2 - 1914 - 1918 Sur les chemins de la
gloire.
Lorsque le 2 Aout 1914 la guerre éclate, von Arnauld vient
tout juste de rentrer de ce séjour en Grande Bretagne et a repris son poste à
l'Etat Major de l'Amiral von Pohl. Mais ce poste que certains lui envient ne
peut pas convenir à la fougue de Lothar. Très vite, lui qui ne rêve que d'une
vie active et combattante réalise qu'il ne peut s'en contenter d'une telle
affectation et c'est avec beaucoup d'espoir qu'il dépose sa candidature pour
servir dans les nouvelles unités d'aérostats en cours de constitution et piloter
un dirigeable.
.
Sa candidature
n'étant pas retenue, le jeune officier décide que c'est vers l'arme
sous-marine qu'il va se diriger. Cette fois-ci son souhait est
exaucé et il part aussitôt rejoindre l'Ecole de Navigation
Sous-Marine alors à Kiel puis à Eckenförde où il achève sa formation
avec le cours de Commandant. Durant ce cours, il est amené à
commander les sous-marins école U-1 et U-3. C'est pendant son séjour
en école qu'il est promu Kapitänleutnant (Lieutenant de Vaisseau).
Enfin, le 18
novembre 1915, son désir se concrétise quand il prend le
commandement de l'U 35, un sous-marin qui vient d'arriver en
Adriatique pour rejoindre la Mittelmeer U-Flottille. Ses premières
semaines se passent au chantier naval de Pola où le sous-marin est
mis en état de reprendre la mer avec un équipage renouvelé pour
moitié.
Patrouille n°1 du 11 au 25 janvier 1916
Le 11 Janvier,
ayant fait le plein de carburant, vivres et munitions, U 35
appareille de l'Arsenal Pola pour sa première patrouille sous le
commandement de von Arnauld. De là, il gagne sa zone d'opérations
comprise entre Malte et la Crète, essuyant au passage une tempête
force 10 en mer Ionienne. Le 17 à l'aube, il arrête le vapeur
anglais Sutherland, (3542 t.), fait évacuer son équipage et
le coule au canon. C'est le premier d'une très longue série mais
cette journée qui ne fait que commencer ne va pas s'achever sans une
nouvelle rencontre qui va marquer les esprits.Un gros vapeur
anglais, le Baron Napier est bientôt en vue. L'U 35 approche
à portée de canon et tire quelques obus pour le contraindre à
stopper. L'Anglais s'exécute tout en envoyant par radio un message
de détresse signalant qu'il est attaqué par un U-Boot. Ce message
est capté par un autre vapeur anglais qui se trouve à quelques
milles. Mais il s'agit là d'un navire d'un type bien particulier car
derrière le le pavillon hollandais qu'il arbore, ce vapeur
inoffensif en apparence cache un bateau-piège, le Q-Ship HMS
Margit, un adversaire redoutable pour un sous-marin. Forçant
l'allure, Margit met le cap vers U 35 qui en l'apercevant,
ouvre le feu sur lui tout en ordonnant de stopper. Voila von Arnauld
à la tête de deux prises ! Margit se trouvant être le plus
près des deux, c'est vers lui qu'il se dirige en premier. D'ailleurs
le "hollandais" est à présent stoppé et on voit son équipage
descendre sans tarder un canot à la mer pour évacuer. A bord de l'U
35, le Commandant est quand même méfiant et fait rentrer tous ses
hommes à l'intérieur puis donne l'ordre de plonger. Le périscope
désormais sorti d'un mètre au dessus de l'eau est la seule partie
visible du sous-marin qui doucement se rapproche jusqu'à 100 mètres
du vapeur et entreprend d'en faire le tour lentement en l'observant
avec attention. A l'évidence, il a bien l'air abandonné. Par
précaution, von Arnauld fait surface à petite distance du canot dans
lequel l'équipage du vapeur a pris place et les canonniers allemands
rejoignent leur poste auprès du canon de 88mm. Mais voici que
soudain, une rafale de mitrailleuse part du vapeur en visant le
sous-marin et un canon se démasque tandis que dans la mâture le
pavillon de la Royal Navy remplace le pavillon hollandais !
"Alarm". Plongée !
Les uns après les
autres, les Allemands se précipitent dans le sous-marin qui déjà
s'enfonce et le dernier ferme le panneau de pont quand un matelot
crie :
- Le Lieutenant
Launburg est resté dehors !
Dieu du Ciel ! Pour
Lothar il faut prendre une décision et vite ! S'il continue à
plonger il va noyer son Lieutenant et s'il refait surface il risque
d'être touché par le tir du Q-Ship…
- Surface !
On ouvre le panneau
de pont et chance, le Lieutenant Launburg trempé est juste derrière.
Il n'a plus qu'à se laisser tomber à l'intérieur du kiosque.
- Immersion 40
mètres !
Quelques minutes
plus tard l'U 35 est stable dans les profondeurs. Un examen du
sous-marin est rassurant, il n'y a pas d'avarie grave et l'équipage
se détend enfin autour de von Arnauld. Il s'en est fallu de peu pour
que cette première patrouille de l'U 35 ne s'achève en catastrophe,
une leçon qu'il n'oubliera jamais.
Le lendemain, c'est
l'anglais Marere (6443 t.) qui est envoyé par le fond. Puis
le 20, encore un anglais, le Trematon (4198 t.) prend le même
chemin. Dans la matinée du 25 janvier, au terme de sa première
mission de combat, l'U 35 regagne Castelnuovo, la base opérationelle
des U-Boote de la Mittelmeer Flottille dans les Bouches de Cattaro.
Patrouille n°2 du 16 au 18 février
1916
Depuis son retour à
Cattaro, von Arnauld partage ses journées entre entretien du bateau
et formation de l'équipage qui vient d'être renouvelé pour la moitié
lorsque lui parvient l'information du Commandement des Croiseurs
autrichiens qui sont préoccupés par un regain d'activité de navires
de guerre dans le sud de l'Adriatique depuis quelques jours. C'est
une bonne occasion pour aller y faire un tour et en profiter pour
entrainer son équipage. Le sous-marin prend la mer au soir du 16 et
met le cap sur la région de Brindisi. Au cours de l'après-midi
suivante apparaît un convoi de deux vapeurs escorté par des
destroyers. En plongée, Lothar se met en position d'attaque et lance
à une distance de 1000 m. Le bruit d'une explosion sous-marine est
entendu mais il est impossible d'en déterminer la cause et la
contre attaque des destoyers oblige l'U 35 à abandonner l'attaque.
Le lendemain matin, un petit croiseur ennemi est en vue mais une
avarie dans le système d'air sous pression oblige à interrompre la
poursuite. Décision est prise de retourner sur Cattaro où il rentre
le soir-même.
Patrouille n°3 du 20 février au 4 Mars
1916
Secteur
d'opérations une nouvelle fois entre Malte et Crète.
Le 26 en début
d'après-midi, au large du cap Matapan par temps brumeux apparaît un
gros vapeur que l'on estime d'un tonnage de 12 à 15 000 tonnes. Le
navire qui navigue en zig-zag a l'apparence d'un paquebot avec deux
cheminées. Il est peint en gris et sans pavillon de nationalité. Pas
de doute, il s'agit soit un transport soit un croiseur auxilliaire.
En plongée, moteurs à pleine puissance, l'U 35 parvient à se mettre
en position de tir malgré la forte houle. Une seule torpille est
tirée et une détonation est entendue au bout de 2 minutes et 50
secondes. Coup au but !
Quelques minutes
plus tard von Arnauld sort le périscope et voit le grand navire qui
présente déjà une forte gite sur tribord avec la poupe très enfoncée
dans l'eau. Malgré la distance on aperçoit des centaines d'hommes
s'agiter sur les ponts tout en mettant les canots à la mer. Pas de
doute, il s'agissait bien d'un transport de troupes. Puis très vite
le vapeur s'incline de plus en plus avant de s'enfoncer brutalement
par l'arrière et se dresser à la verticale pour disparaître.
Impuissant, Lothar assiste au spectacle dramatique de milliers de
gens qui se noient mais il ne peut rien faire pour eux. La guerre ne
connaît pas la pitié et ce triste spectacle restera gravé à vie dans
sa mémoire. Au retour à Cattaro, von Arnauld apprendra qu'il
s'agissait du croiseur auxilliaire français
La Provence
(13753 t.), ex paquebot transatlantique réquisitionné par la Marine.
A son bord se trouvaient environ 1800 personnes dont un millier ont
péri.
Le lendemain, le
Giava (2755 t.), un vapeur italien est coulé au canon au SO du
Cap Matapan puis le 28, c'est l'anglais Masunda (4952 t.) qui
subit le même sort dans les mêmes parages. Le 29, au sud de la
Crète, c'est à nouveau un navire de guerre qui croise la route de
l'U 35. Il s'agit de HMS Primula (1250 t.), un chasseur de
sous-marins de construction toute récente. Laissons von Arnauld
raconter l'affrontement :
"Il avait
l'apparence d'un petit croiseur puissamment armé de canons et de
grenades sous-marines. Doté d'un faible tirant d'eau afin qu'une
torpille ait des chances de passer sous sa coque, il était en outre
parfaitement compartimenté pour pouvoir encaisser un ou plusieurs
coups au but et continuer à se maintenir à flot. Mais j'ignorais
tout cela quand je l'ai rencontré. Ma première torpille l'atteignait
à l'avant provoquant la chute du mât et contraignant le navire à
s'arrêter. C'est alors que malgré les dommages il repartait en
marche arrière faisant feu de toute son artillerie et tentait de
nous aborder. Pour échapper il nous fallut plonger en urgence. A ce
stade j'étais déterminé à lui répondre avec autant de détermination
et je lançais une seconde torpille. Sans effet car mon adversaire
parvenait à l'éviter. Je tirais alors une troisième qui faisait but
puis finalement une quatrième qui le touchait à l'arrière. Cette
fois, au bout d'un combat de quatre heures il n'était plus en état
de manœuvrer et commençait à s'enfoncer. Je ne pouvais pas attendre
qu'il coule et je l'abandonnais dans cet état. Ce n'est que plus
tard que je devais apprendre dans la presse qu'il avait finalement
coulé au bout de trois heures et que son équipage avait été sauvé.
Il avait quand même fallu dépenser quatre précieuses torpilles pour
en arriver là !"
N'ayant plus de
torpilles, l'U-35 fait route vers Cattaro où il arrive le 4 mars.
Patrouille n°4 du 20 mars au 8 avril
1916
Secteur
d'opérations : Méditerranée orientale. Le 23, entre Malte et la
Crète, le transport anglais armé Minneapolis (13453 tonnes)
ex paquebot de l'Atlantic Transport Line réquisitionné est coulé
d'une torpille tirée en plongée. Par chance le navire est à vide et
il y aura peu de victimes. Les jours suivants, il poursuit sa
patrouille jusqu'au large d'Alexandrie sans rencontrer de navires
puis le 2 avril, il revient vers la Crète. Le 4, il aperçoit un
cuirassé anglais sans pouvoir parvenir en position de tir et lance
sans succès sur un croiseur. Le mauvais temps et des avaries de
machine l'obligent à rentrer à Cattaro d'où il repart ensuite pour
rejoindre le chantier naval de Pola pour réparations.
|
Quatre
jours plus tard, U 35 met le cap au Nord vers le chantier où
on commence aussitôt les réparations. Une partie de
l'équipage dont Lothar part pour deux semaines en permission
en Allemagne. Dans les premiers jours de juin, le sous-marin
est prêt à reprendre la mer. Pour cette prochaine
patrouille, il embarque un officier surnuméraire, le KKpt
Ackermann de l'Etat-Major de la flottille qui prend passage
à bord. |
Patrouille n°5 du 6 juin au 3 juillet
1916
Au terme de ce
séjour de près de deux mois en réparations à Pola, U 35
appareille à destination de la Méditerranée occidentale avec pour
mission particulière d'entrer dans le port de Carthagène en
profitant de la clause de droit maritime international qui autorise
un navire d'une nation en guerre à séjourner durant 24 heures dans
un port neutre. Le but de cette escale espagnole est de remettre au
roi Alphonse XIII une lettre personnelle adressée par le Kaiser pour
le remercier de la protection qu'il a accordée aux marins allemands
internés à Fernando Po. En sus de ce courrier von Arnauld a pour
mission d'approvisionner en médicaments les équipages allemands des
navires de commerce internés à Carthagène. Cette mission a aussi
pour but de tester la réaction des Alliés envers un pays neutre qui
accorderait en son port cette facilité de séjour de 24 heures au
profit d'un navire de guerre dont les Alliés considérent qu'il opère
en dehors du cadre des lois internationales. Bien qu'il soit
cependant hors de question que le sous-marin séjourne au-delà de ces
24 heures, la question est donc de savoir si l'Espagne accordera
cette facilité. L'ordre de mission remis à von Arnauld stipule
également qu'il devra être tout particulièrement vigilant à la
sécurité de son navire lors des mouvements d'entrée et de sortie du
port tout comme durant le séjour lui-même. Recommandation tout à
fait superflue !
Tout en faisant
route vers sa destination l'U 35 poursuit la guerre
sous-marine. Une semaine après l'appareillage alors qu'il se trouve
en mer Tyrrhénienne, von Arnauld reprend sa moisson de destructions.
Le 13, il coule deux goélettes et un petit vapeur italiens. Le
lendemain il envoie par le fond 3 voiliers et un vapeur là encore
tous italiens. La journée du 15 trois voiliers et un vapeur anglais
sont coulés à leur tour suivis de six autres le lendemain au nombre
desquels il y a le gros vapeurs anglais Gafsa (3922 t.) qui
transporte 6500 tonnes de charbon de Swansea à Gènes. Le 17 alors
que le sous-marin remonté dans le Golfe de Gascogne, il arrête le
vapeur italien Poviga (3360 t.) lui aussi chargé de 7000 tonnes de
charbon pour Gènes et le saborde. Les jours suivants jusqu'au 19 six
autres navires sont victimes de l'U 35, quatre vapeurs suivis
de deux trois-mâts tandis qu'il se rapproche des eaux espagnoles.
Le 20 juin, von
Arnauld qui tient à présenter aux Espagnols un bateau impeccable,
cesse toute action de guerre à l'exception d'un tir de torpille
manqué en direction d'un transport de troupes français dans
l'après-midi et l'équipage met cette journée à profit pour faire un
grand ménage. Lothar écrira dans les quelques écrits qu'il nous a
laissés combien était étrange au beau milieu de la guerre ce travail
de propreté en vue d'une visite de courtoisie dans un port neutre !
Après ce tir manqué l'U 35 fait surface à 16 heures et fait
route directe sur Carthagène. L'intention de son Commandant est de
se présenter peu avant l'aube en surface à l'entrée du port.
A 5h45, immobile
devant l'entrée du port, l'U 35 réclame un pilote pour
entrer. Lorsque le pilote arrive auprès du sous-marin, il n'en croit
pas ses yeux ! Un U-Boot ! Très vite l'autorisation d'entrer
parvient et tandis que le jour se lève, l'U 35 pénètre dans
le port à vitesse réduite pour venir s'amarrer le long du vapeur
Roma, l'un des cargos allemands internés pour cause de guerre.
Aucun navire de guerre n'est visible ce qui rassure grandement von
Arnauld. Rapidement on fait passer les caisses de médicaments, du
matériel et la valise diplomatique sur le vapeur avec les consignes
pour le Capitaine du Roma. A 8 heures précises, l'U 35
après s'être un peu éloigné du vapeur hisse à son périscope le
pavillon espagnol et le pavillon impérial allemand et salue la
terre d'Espagne de 21 coups de canon auxquels répond la batterie de
l'un des forts. Lothar est à présent totalement rassuré sur
l'accueil des Espagnols et revient s'amarrer le long du Roma.
Peu après, le Dr Tell, consul d'Allemagne qui avait été avisé de la
visite du sous-marin rejoint von Arnauld sur le Roma où ils
sont ensuite rejoints par quelques officiels espagnols. L'accueil
est particulièrement chaleureux et en cours de conversation, von
Arnauld dit qu'il regrette que la position de l'U 35 dans le
port ne permette à la population de l’apercevoir. Ce à quoi le
Capitaine de Vaisseau Quintero, Commandant du croiseur Cataluña
propose aussitôt de déplacer le sous-marin pour l'amarrer sur le
côté bâbord du croiseur. Après avoir vérifié que cela ne présentera
aucun risque, Lothar accepte avec plaisir mais pour assurer la
sécurité, il sera nécessaire de faire barrage avec un torpilleur et
les bateaux de la police maritime pour empêcher les nombreux curieux
de venir le long du bord.
Durant la matinée,
accompagné par le Consul, Lothar rend une visite officielle aux
autorités de la ville qui le reçoivent avec grande bienveillance.
Toute la journée, on échange entre les deux navires, on se reçoit,
on s'invite ce qui sera très apprécié de part et d'autre car en
dehors de von Arnauld et du Commandant Ackermann, il n'est pas prévu
que l'équipage allemand se rende à terre. De leur côté les Espagnols
proposent des vivres, du carburant, de l'eau mais Lothar décline
toute assistance, insistant sur le fait que le but de sa visite
n'est autre que la remise du courrier au Roi et l'approvisionnement
en médicaments des vapeurs allemands. La réception à bord du
croiseur en compagnie du Consul est particulièrement chaleureuse et
permet aussi de rendre l'invitation à bord du sous-marin, outre aux
marins espagnols, à quelques visiteurs civils soigneusement choisis
dont des journalistes qui feront une description élogieuse sur la
tenue du bateau. En fin d'après-midi, le Capitaine du Port fait
remettre au sous-marin un pli du Ministère de la Marine l'informant
qu'il devra quitter le port au plus tard dans la nuit ce que von
Arnauld confirme comme étant bien son intention.
La soirée se
poursuit avec la réception pour un diner à bord de l'U 35 en
faveur du Commandant Quintero et finalement tout le monde se sépare,
enchanté par ces quelques heures passées en commun. Von Arnauld
écrira dans son rapport de mission que les Espagnols ont été
particulièrement admiratifs envers le combat que la Marine Impériale
venait de livrer à la Royal Navy en Mer du Nord (Bataille du Jutland
trois semaines plus tôt).
Enfin, à 22 h 30,
l'Attaché Militaire Allemand, le KKpt Hans von Krohn spécialement
venu de Madrid en train, arrive à bord, s'entretient en privé avec
Ackermann et von Arnauld puis quitte le sous-marin peu après minuit
tandis que l'équipage prend les dispositions d'appareillage. A 3
heures les amarres sont larguées et l'U 35 fait route
lentement vers la sortie où il attendra au large jusqu'à 5 heures
pour prendre la plongée loin de la vue d'éventuels chalutiers
espions. Cette visite à Carthagène est un succès complet qui comme
le remarque von Arnauld aura contribué au renforcement des liens
amicaux qui unissent déjà les deux pays.
Dans l'après-midi,
un 4-mâts barque italien est en vue. Après l'avoir fait stopper, von
Arnauld vérifie ses documents mais renonce à le couler en raison de
la proximité de la côte. Les Italiens trop heureux de s'en tirer à
si bon compte reprennent leur route en acclamant les Allemands. Sur
la route du retour l'U 35 devait bombarder le port de Sète
mais n'ayant plus beaucoup de munitions, Lothar doit y renoncer. Il
se contentera dans la semaine qui vient d'envoyer par le fond pas
moins de 10 vapeurs et 6 voiliers de plus avant de regagner Cattaro
où il fait son entrée le 3 juillet à 8 heures du matin. Au cours de
cette patrouille il a coulé 40 navires représentant un tonnage de
près de 57000 tonnes. Pour ce résultat, il a utilisé 5 torpilles et
tiré plus de 500 obius de 88mm.
21 juin au matin, l'entrée à
Carthagène |
A couple avec le croiseur
Cataluña |
A couple avec le
vapeur Roma |
Patrouille n°6 du 26 juillet au 20 août
1916
Le secteur
d'opérations attribué à l'U 35 est la Méditerranée
occidentale avec toute latitude laissée au Commandant pour son
itinéraire. Après avoir passé le canal de Sicile, le sous-marin
opère le long des côtes d'Espagne, dans le Golfe du Lion, au large
des Baléares avant de se diriger vers le golfe de Gènes. Puis, il
traverse la mer Tyrrhénienne et regagne Cattaro après avoir
contourné la Sicile, effectuant deux incursions le long des côtes
tunisiennes. Cette patrouille qui va être la plus fructueuse de
toute la carrière de Lothar est aussi l'une des moins épiques qu'il
connaîtra tant jour après jour se succèdent les destructions de
navires marchands sans grand problèmes. On pourrait même parler de
routine à l'exception d'une chaude rencontre avec un bateau-piège au
matin du 15 aout au large de la côte orientale de Corse.
Il est 9 heures du
matin quand un petit vapeur cap à l'ouest est intercepté et sommer
de s'arrêter par un coup de semonce. Le vapeur s'exécute, hisse un
pavillon italien et met un canot à la mer avec son équipage. Pendant
ce temps, un autre vapeur, plus gros celui-là et cap à l'est, sans
radio visible ni pavillon de nationalité s'est également rapproché
du sous-marin. Alors qu'il est à une distance d'environ 6000 mètres
et que l'U 35 s'apprête à exécuter un tir de semonce, voici
que le vapeur inconnu dévoile 4 canons sur son flanc tribord et
ouvre le feu, encadrant le sous-marin.
"Alarm !"
Instantanément U
35 prend la plongée sous une grêle de projectiles. Avant que le
kiosque ne disparaisse sous l'eau, von Arnauld qui se trouve à
l'intérieur observe des impacts à quelques mêtres et à l'instant où
le kiosque disparaît sous la surface, il est atteint par un
projectile qui ne fera que des dégâts superficiels.
Von Arnauld dont le
sous-marin à présent à l'immersion périscopique observe la surface
et constate que l'assaillant ne cherche pas à reprendre le combat
mais s'éloigne à toute vapeur. Une heure plus tard, il a disparu
derrière l'horizon. Sans plus attendre, U 35 fait surface et
revient vers le petit vapeur italien arraisonné précédemment. Il
s'agit du vapeur Augusta à vide de Naples vers Cagliari.
Interrogé par Lothar, le Capitaine italien dit que l'autre vapeur
est un français armé de 4 canons qui patrouille régulièrement dans
ce secteur… Ce renseignement donné par l'Italien ne lui vaudra nulle
reconnaissance. Après avoir fait s'éloigner les embarcations, l'U
35 exécute un tir à couler. Il est 11 h 15 quand le petit vapeur
disparaît sous les flots.
Les jours suivants
sont pareils aux jours précédents. Chaque jour ou presque, des
navires, vapeurs ou voliers sont interceptés, sommés de s'arrêter,
évacués et coulés tantôt par des charges explosives de sabordage,
tantôt par des tirs d'obus en pleine coque.
A l'aube du 17
août, au sud de la Sicile, ce sont deux navires de guerre qui
apparaissent. L'un d'eux n'est autre que le croiseur français
Ernest Renan, le second un croiseur de la classe Primula.
Lothar tente une attaque et, dans une position défavorable, il
lance une torpille contre le croiseur français. Son sillage est
aperçu et le croiseur l'évite en changeant de cap avant de
s'éloigner à grand vitesse.
Deux vapeurs seront
encore coulés avant que cette patrouille ne prenne fin. Le dernier
est le vapeur italien Erix à bord duquel les marins allemands
découvrent 4 soldats italiens que le Capitaine tente de faire passer
pour des passagers. Evidemment, l'affirmation est difficile à croire
et c'est en tant que prisonniers de guerre que les soldats italiens
vont finir leur "croisière" à bord du sous-marin ! Le lendemain,
U 35 franchit le Canal d'Otrante dans la nuit et fait route
directe sur Cattaro où il vient s'amarrer le long du croiseur Gäa
dans l'après-midi.
Durant cette
patrouille, ce sont 54 navires (29 vapeurs et 25 voiliers) qui ont
été coulés représentant un tonnage de plus de 90000 tonnes.
|
Jour après jour, l'U-35 envoie
par le fond les vapeurs ennemis qui croisent sa route. Econome de ses
torpilles, il se sert surtout de son artillerie quand il ne peut saborder le
navire. |
Patrouille n° 7 du 14 septembre au 9
octobre 1916
Secteur
d'opérations à nouveau la Méditerranée occidentale avec en plus une
mission spéciale : évacuer discrètement de Carthagène trois
officiers allemands, le KL Canaris (qui deviendra Amiral et chef de
l'Abwehr dans les années sombres de la prochaine guerre), l'OL
Sievers et l'aspirant Badewitz qui bien qu'internés sont étonnamment
libres de leurs déplacements. Comme prévu, U 35 fait la
guerre activement à tout le trafic qu'il croise jusqu'au 29 puis se
faisant oublier pendant deux jours, il entre de nuit en baie de
Carthagène.
L'Opération
Canaris
Après un report
pour raison météorologique, l’opération de récupération de Canaris
initialement confiée à l’U 34 (KL Klaus Rücker), avait finalement
échu à l’U 35 qui était en patrouille dans le secteur des
Baléares. Von Arnauld avait pour instruction de rencontrer Canaris
en baie de la Salitrona, à l’ouest de Carthagène le 30 septembre. Le
voilier transportant les officiers allemands devait s’identifier en
arborant un fanion rouge et en hissant à plusieurs reprises sa grand
voile.
Mais le plan avait été éventé avant même que Canaris et ses deux
compagnons aient seulement trouvé un bateau de pêche de confiance.
Un espion à la solde des Alliés faisait partie du personnel de
l’Ambassade d’Allemagne à Madrid et l’information avait déjà fait
son chemin. Peu après, le sous-marin Opale, LV Pradeau, parti
d'Oran, avait fait route vers Salitrona escorté d’un patrouilleur
camouflé en inoffensif chalutier.
Dès le 30 septembre au matin, les deux unités françaises étaient
à leur poste. Leurs ordres étaient on ne peut plus clair : détruire
l’embarcation qui transportait les trois plus dangereux espions
allemands en Espagne. Non sans difficultés, de leur côté, Canaris et
ses camarades avaient enfin pu s’échapper de Carthagène avec une
vedette de ravitaillement du vapeur allemand Roma et
rejoindre sans être vus le pêcheur complice.
Ce jour là von
Arnauld va attendre en vain toute la journée et le soir, note dans
son journal de bord « Stoppé en baie de Salitrona, pas vu Canaris…
Croisé en surface le long de la ligne de rendez-vous ainsi que dans
l’est et l’ouest de la baie. N’ayant pas trouvé Canaris, j’envisage
de poursuivre la recherche après minuit »
Le patrouilleur français sera le premier à apercevoir
l’embarcation de Canaris qui longe la côte au matin du 1 Octobre. Il
met alors le cap dessus. Canaris s’en souvient : « Le chalutier se
rapprochait rapidement. Nous nous sommes cachés dans le lest de sacs
de sable du voilier tandis que le chalutier se tenait sur notre
arrière et son équipage scrutait intensément notre bateau. Ne voyant
à bord que l’équipage espagnol, il abandonna pour faire route au
sud-est vers un autre navire » (en fait il s’agissait de l’Opale).
Canaris sort alors
de sa cachette et soudain aperçoit ce qu’il guettait depuis
longtemps : le fin sillage d’un périscope trouant la surface. Tout
en se maintenant à l’immersion périscopique, von Arnauld car c'est
bien l'U 35 qui après avoir repéré le pêcheur espagnol s'est
rapproché de lui pour l'identifier. Pas de doute, c'est bien celui
qu'il recherche : un fanion rouge est négligemment amarré à un
hauban et il affale sa voile pour la hisser à nouveau. Gouvernant
alors de façon à se trouver masqué par la voile du pêcheur il fait
surface à quelques mètres du voilier, juste dans son sillage.
En moins de 5
minutes, Canaris, Sievers et Badewitz sautent à bord du sous-marin
qui est venu accoster le pêcheur tandis que le chalutier français
qui vient de découvrir et comprendre ce qui se passe sous ses yeux
actionne furieusement sa sirène pour avertir l’Opale. Avant
que Pradeau ait pu commencer à réagir, l’U 35
a déjà disparu dans les profondeurs. Le commandant
français déclarera par la suite « qu’il n’avait pas vu le sous-marin
parce que depuis sa position, il était juste dans l’axe du soleil
levant qui l’éblouissait fortement ». Von Arnauld ne fera aucune
tentative pour attaquer les Français et entreprend de faire route en
plongée vers la haute mer.
Dès le lendemain,
sur une mer étonnamment calme, la chasse au commerce allié reprend
mais le premier navire qui se présente devant le sous-marin est un
navire de guerre français. Il s'agit d'un sloop de la classe
Arabis semblable à celui que l'U 35 avait déjà attaqué au
mois de mars. Fort de son expérience passée, Lothar se place en
position de tir et à 11 heures il lance une torpille qui fait but à
hauteur de la passerelle et explose dans la soute à charbon avant.
Bien que sévèrement touché, l'adversaire que von Arnauld observe
toujours dans son périscope, ne semble pas devoir couler. Deux
chalutiers armés sont autour de lui pour l'assister. Désormais hors
de portée des canons du sloop, l'U 35 fait surface et
continue à observer. A l'évidence il ne coulera pas ! A nouveau le
sous-marin plonge et exécute une manœuvre d'attaque dans laquelle il
se met en postion favorable un peu après 14 heures 15.
"Rohr 1 ! Los !"
A 400 m de distance
l'Arabis est une cible qu'on ne peut manquer. Règlée à 1m50
d'immersion, la torpille fait but à moins de 10 mètres de la poupe
qui est emportée par l'explosion. Pour autant, le navire ne coule
toujours pas mais il est entouré de plusieurs patrouilleurs qui
cherchent l'U 35 et grenadent ou tirent sur tout ce qui peut
lui ressembler. S'obstiner à tirer une autre torpille serait prendre
un risque inconsidéré. Finalement, von Arnauld rompt l'engagement et
s'éloigne en plongée. Le sloop ne coulera que tard dans la soirée.
Il s'agissait du sloop français Rigel dont l'équipage sera
sauvé par les chalutiers.
Le lendemain matin,
au sud des Baléares, la mer est toujours aussi calme, un vapeur
apparaît. Coup de semonce, examen des papiers, évacuation de son
équipage. Il s'agit du grec Samos (1186 t.) chargé de craie
et de ciment à destination d'Alger. Trois charges de sabordage sont
placées contre la coque et le vapeur disparaît en 20 minutes.
Le 4 dans la
matinée, le Birk (713 t.), un petit vapeur norvégien est
stoppé, évacué, sabordé et achevé au canon. La journée s'avance sur
une mer plate quand à l'horizon apparaît la masse imposante d'un
très gros vapeur. Peinture grise, trois cheminées, faisant route en
zig-zag… Il s'agit d'un croiseur auxilliaire, transport de troupes
sans doute. En plongée, l'U 35 se rapproche et tente de se
mettre en bonne position. Ce n'est pas facile car le croiseur à
présent identifié comme étant l'ancien paquebot Gallia (14966
t.) est rapide et file 18 noeuds. Dans ses flancs ont pris place
plus de 2000 hommes et un important chargement de matériel et de
munitions à destination de Salonique.
Mal placé et en
limite de portée, von Arnauld lance tout de même sa dernière
torpille par le tube arrière sous un angle de gyrodéviation
maximale. Malgré ces conditions difficiles, 50 secondes plus tard
retentit une forte détonation. Touché sur tribord arrière, le
Gallia s'incline très vite en s'enfonçant. A travers son
périscope von Arnauld voit les ponts du navire se couvrir de
centaines d'hommes qui courent dans tous les sens. Le spectacle est
effrayant. Sous ses yeux, des dizaines d'hommes tombent à la mer
alors que dans le même temps on tente de lancer des embarcations
mais le Gallia qui s'enfonce de plus en plus coule très vite.
L'étrave sort de l'eau, finit par se dresser à la verticale et
disparaît sous la mer. Vingt minutes se sont écoulées depuis le
torpillage et il n'y a plus sur la mer que des centaines de
naufragés tentant désespérément d'échapper à la noyade. Ce terrible
spectacle de plus d'un millier d'hommes qui se noient, Lothar ne
l'oubliera jamais et des années plus tard, il l'évoquera toujours
avec une vive émotion. Qu'aurait-il pu faire pour leur venir en aide
? Voir un
extrait du journal de bord.
La journée du 5
voit la destruction de deux autres vapeurs. D'abord l'italien
Aurora (2806 t.) qui coule à 9h30 puis le suédois Vera
(2308 t.) en début d'après-midi. Le 7 au large de Malte, un voilier
grec est intercepté. Il transporte du vin vers La Valette (Malte).
Lothar considérant qu'il transporte des vivres lui rend sa liberté
de manœuvre. La nuit suivante, l'U 35 franchit en plongée le
détroit d'Otrante qui est patrouillé par des destroyers et des
chalutiers mais parvient à les éviter tous.
Enfin, le 9 octobre
à 14h30, von Arnauld et son U 35 sont accueillis à Cattaro
sous les vivats des autres navires.
A 16 heures, amarré
à couple du Gäa, Lothar met un point final à cette patrouille
de plus de 4000 milles qui est un grand succès. Non seulement il a
parfaitement réussi la récupération de Canaris et ses amis mais en
plus il a envoyé par le fond deux navires de guerre dont le croiseur
Gallia, 5 vapeurs armés, 13 vapeurs et 3 voiliers
représentant plus de 70000 tonnes.
Dans son journal de
guerre, Lothar mentionne également la présence de plus en plus
grande de vapeurs marchands armés, anglais en particulier, qui
n'hésitent pas à s'attaquer aux U-Boote.
Les jours suivants,
U 35 débarque son armement restant et se prépare à prendre la
mer cette fois en direction du chantier de Pola. Le sous-marin a
grand besoin de réparations et on mettra à profit ce séjour à
l'Arsenal pour installer à l'avant un canon de 105mm que von Arnauld
réclame depuis plusieurs mois.
Le 14 octobre à
9 h, U 35 s'amarre le long du croiseur SMS Adria. Une
bordée après l'autre, les hommes de son équipage vont partir en
permission dans leurs familles. Remplacé par le Leutnant de Terra
qui assure l'interim, Lothar part se détendre auprès des siens à
Berlin. C'est là qu'il sera décoré de la médaille prestigieuse de
l'Ordre "Pour le Mérite"
qui lui sera remise par l'Empereur Guillaume en personne
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1917
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Patrouille n°8 du 1 au 13 Janvier
Secteur
d'opérations : routes maritimes entre Malte et Crète.
En cet après-midi
de Nouvel An, l'U 35 appareille de Pola. Cap au sud, il passe
le canal d'Otrante le 3 et deux jours plus tard recommence à
apporter de nouveaux succès à son tableau de chasse. Il est 13h
quand un vapeur cap à l'ouest est aperçu. Lothar prend la plongée et
se prépare pour une attaque en immersion mais ne parvient pas à se
placer. Il fait alors surface et tire un coup de semonce. Le vapeur
loin d'obtempérer, engage alors l'U 35 avec un canon de 75mm
auquel le sous-marin réplique. Pendant une heure on se canonne de
part et d'autre à une distance comprise entre 9 et 7 kms jusqu'à ce
que le vapeur se rende. L'équipage évacue et apporte les papiers du
navire. Il s'agit de l'anglais Lesbian (2555 t.) qui fait
route d'Extrème Orient vers Londres. Son Capitaine est fait
prisonnier et une équipe du sous-marin dispose les charges de
sabordage le long de la coque. A 17h20 il disparaît sous la mer. La
journée s'achève deux heures plus tard en arraisonnant la goélette
italienne Salvatore Padre (200 t.) qui transporte du vin vers
Chypre. Après évacutaion de l'équipage quelques coups de canon en
pleine coque l'envoient par le fond.
Le lendemain midi,
dans le sud-est de Malte, un vapeur armé est en vue cap à l'ouest.
Pas la peine de chercher l'affrontement au canon d'autant que la mer
est agitée. A 450m de distance, tir par un tube d'étrave. But ! Il
s'agit de l'Anglais Hudworth (3966 t.). En milieu d'après-midi le 7,
c'est encore un vapeur armé qui est en vue. Lui aussi engage le
sous-marin mais finit par abandonner au bout d'une demi-heure. Il
s'agit de l'Anglais Mohacsfield (3678 t.) dont le Capitaine
est fait prisonnier. En début de matinée le lendemain, un autre
vapeur armé est en vue. Une grosse houle balaie le sous-marin, on
lui envoie une torpille qui fait but. Il s'agit du vapeur Andoni
un anglais de 3188 t. chargé de blé des Indes pour Londres.
L'équipage évacue son bateau mais le Capitaine reste prisonnier. Il
est midi quand un autre vapeur est en vue. L'U 35 en surface
touche à 5 reprises le vapeur qui riposte pendant 30 minutes avant
de se rendre. Il s'agit de l'Anglais Lynfield (3023 t.). Son
équipage est libéré mais le Capitaine là encore reste prisonnier de
von Arnauld. Durant la journée suivante le sous-marin tente
d'attaquer plusieurs navires mais sans succès. La mer devient forte
et une torpille lancée contre un vapeur inconnu ne trouve pas sa
cible.
Le 10 janvier, la
mer devient très grosse et il est impossible de tenter aucune
attaque. Le 11, la mer s'est un peu calmée mais le sous-marin ne
peut rien faire contre deux vapeurs armés cap à l'ouest. Dans la
soirée, la tempête reprend pour atteindre force 8 alors que les
moteurs de l'U 35 présentent quelques signes inquiétants de
faiblesse. Ayant présent à l'esprit une mission spéciale qu'il va
devoir accomplir à la fin du mois, von Arnauld n'insiste pas et fait
route vers Cattaro où il entre le 13 à midi. Cinq vapeurs
représentant un total de 20000 tonnes ont été coulés, tous étaient
armés de canons de 75 et tous ont ouvert le feu contre U 35.
En représailles, leurs Capitaines ont tous été fait prisonniers. La
guerre sous-marine prend une nouvelle tournure.
L'année 1917 marque un
tournant dans l'histoire avec l'entrée en vigueur à partir du 1er février de ce
qu'il est convenu d'appeler la guerre sous-marine totale. La décision en est
prise par le Kaiser le 9 janvier suite à l'échec des tentatives de l'Allemagne
et des Etats Unis pour arriver à une paix négociée.
Patrouille n°9 du 6 au 27 Février
Secteur
d'opérations : côte est de l'Espagne avec pour mission spéciale de
transporter et d'immerger 40 sacs de matériel secret en un point
précis de la côte espagnole puis de mettre à terre un Officier qui
sera chargé de les faire récupérer.
Sorti de Cattaro le
6, le sous-marin s'engage dans le détroit d'Otrante le lendemain
matin par mer très agitée. C'est alors que vers 9h30, le Maître
Stanislas Skwara est emporté par une vague. On lui lance une bouée
mais le temps que l'U 35 fasse demi-tour, il a disparu. Les
recherches se poursuivent deux heures durant sans succès et la mort
dans l'âme, von Arnauld donne l'ordre de reprendre la route. Le
détroit d'Otrante est franchi sans encombres la nuit suivante mais
dans les jours qui suivent, la tempête se renforce obligeant le
sous-marin à rester autant que possible en immersion. Le 11 février
au matin, dans le s de la Sicile, un vapeur en route au N est
repéré. Malgré l'état de la mer, un coup de canon de semonce est
tiré dans sa direction mais le vapeur répond au tir de l'U 35
avec un canon de 120mm. Malgré la mer déchainée, le combat se
poursuit pendant une heure et demie jusqu'à ce que l'arrivée d'un
destroyer oblige à plonger. Tard dans la soirée un voilier est
arrêté. Il s'agit de la goélette italienne Assunta qui fait
route vers Tunis. Elle est sabordée avec une charge explosive peu
après minuit. En début de matinée le lendemain, c'est le Lyman M
Law (1300 t.), un grand 4-mâts goélette américain qui est sommé
de s'arrêter. Il transporte un chargement de citrons des USA vers
Palerme. Au regard du Règlement sur les Prises, cette cargaison est
classée contrebande. La goélette est sabordée à l'aide d'explosifs
et détruite au canon. Son équipage est laissé libre. Le 13 dans la
soirée, la goélette anglaise Percy Roy (99 t) qui transporte
du sel vers Terre Neuve est également sabordée et son équipage
laissé libre.
Le 14 à midi, deux
vapeurs sont interceptés. L'un d'eux est un Espagnol qui est laissé
libre, l'autre est l'Oceania un italien de 4217 t. qui
transporte 6500 tonnes de maïs de New York à Gènes. L'équipage est
laissé libre mais le navire est sabordé à l'aide d'explosifs. La
journée s'achève sur la destruction du voilier russe Mery
(178 t.) chargé de charbon de Liverpool à Sète.
Le 15 février est
le jour choisi pour exécuter la "mission spéciale" qui a été confiée
à von Arnauld et en milieu de nuit il fait surface entre les Cap de
Gata et Cap Palos. La nuit est sombre, la mer calme, un temps idéal
pour la mission qui consiste à faire monter sur le pont 902
caissettes qui doivent être réparties en 40 sacs attachés les uns
aux autres. Dans le même temps, U 35 se rapproche de la côte
et sur des fonds de 10 à 15 mètres, les sacs sont immergés après
avoir été lestés d'une chaîne longue de 100 mètres pour un poids de
plus de 400 kg. Une fois l'opération achevée, von Arnauld transfère
à la côte le Lieutenant Karl Fricke qui en compagnie du Lieutenant
Kallen organisera la récupération des caisses. L'opération a été
rondement menée et dès la fin d'après-midi U 35
a repris sa chasse au commerce maritime allié.
Le 16 à l'aube, au
large d'Alicante, un vapeur est arrêté. Il s'agit de l'Italien
Prudenza (3307 t.) chargé de maïs du Rio de la Plata pour
Livourne. Il est sabordé par des charges explosives. C'est ensuite
le vapeur anglais Buranda qui est attaqué mais en répliquant
de son canon de 75 il parvient à gagner les eaux espagnoles et
échappe au sous-marin. Il sera remorqué à Alicante et réparé. En
milieu d'après-midi, l'Italien Oriana (3132 t.), de Gènes à
Montevideo est également attaqué et coulé au canon. Dans la nuit von
Arnauld remonte vers le Nord avec l'intention de chasser sur l'axe
Ibiza-Majorque. C'est là qu'en milieu de matinée il intercepte la
goélette italienne Pier Accavan Ubert (112 t.), chargée
d'asphalte de Toulon pour Alicante. Equipage libéré, bateau coulé au
canon.
Le lendemain matin
à l'aube, au sud de Tarragona, le vapeur suédois Skogland
(3264 t.), chargé de charbon anglais pour Naples est sommé de
s'arrêter. Son équipage a 20 minutes pour quitter le bord avant que
le navire ne soit sabordé et canonné. Peu après, c'est l'italien
Giuseppe, un vapeur de 1856 t. qui est sommé de s'arrêter. Il
est coulé au canon. Un destroyer étant en vue, l'U 35 plonge
pour ne refaire surface qu'à 15 heures et arrêter le voilier
Guido T. qui est lui aussi coulé. Désormais sur la route du
retour, von Arnauld longe la Sardaigne en direction de Bizerte où il
espère rencontrer du trafic maritime allié.
Dans les premières
heures de la matinée, Lothar échange un signal de reconnaissance
avec un U-Boot en patrouille. Il s'agit de l'UC 37 où il a la
bonne surprise de retrouver comme Commandant l'Oberleutnant Otto
Launburg son ancien second ! Le contact est bref et chacun reprend
sa chasse d'autant qu'un convoi est en vue. En plongée, von Arnauld
parvient à portée et à une distance de 900 m décoche une torpille
qui fait but. Le vapeur touché coule rapidement et c'est plus tard
que l'on saura qu'il s'agissait de l'Anglais Longhirst (3053
t.). Avant la contre attaque l'U 35 s'enfuit en surface. Dans
l'après-midi, ce sont deux vapeurs en convoi escorté par deux
chalutiers français qui se présentent. Le premier est un gros
transport sur lequel von Arnauld lance de 500 m. une torpille qui
fait but. Aussitôt, les chalutiers de l'escorte se lancent à la
poursite du sous-marin et l'attaquent avec des grenades
sous-marines. Le transport ne coule pas mais il n'est pas possible
de lancer une nouvelle attaque et von Arnauld doit abandonner. C'est
une chance pour les 210 soldats que transporte le Mont Viso
de la S.G.T.M. qui sera finalement remorqué vers Bizerte.
La journée du 24
sera tout aussi fructueuse quand au large de Pantelleria U 35
envoie par le fond le grec Prikonisos (3537 t.) puis en début
d'après midi, il lance une torpille contre l'anglais Dorothy
(3806 t.) un vapeur armé escorté par une canonnière et qui
transporte 500 soldats. Refoulé par l'escorte, U 35 ne peut
poursuivre son attaque et le vapeur coule lentement, permettant que
la plupart de ses occupants soient sauvés. Dans la soirée von
Arnauld fait surface et met le cap sur le détroit d'Otrante et
Cattaro où il entre à 13h45 le 27.
Cette patrouille
est un nouveau succès pour von Arnauld qui s'est acquitté
parfaitement de la mission tant à la côte d'Espagne que dans
l'application des nouvelles règles de la guerre sous-marine totale.
Il a coulé 14 navires représentant un tonnage de plus de 28000
tonnes, utilisé 6 torpilles, 12 charges explosives et 195 obus de
105mm. L'opération de transport des 40 sacs à destination de la
résistance espagnole ne sera pas un succès car la mission était déjà
connue des services de contre-espionnage avant même sa réalisation.
Wilhelm Kallen, un Oberleutnant du corps d'Infanterie de Marine sera
capturé par les Espagnols et détenu jusqu'à la fin de la guerre.
L'activité de la journée du 16 au large d'Alicante fera l'objet
d'une plainte des Alliés auprès des autorités espagnoles au motif
que les navires attaqués ce jour là l'ont été dans les eaux
espagnoles. Plainte que l'Espagne classera sans suite faute de
preuves…
Par contre, comme
bien souvent, il a fallu faire face à de nombreux problèmes
techniques. Les moteurs de l'U 35 comme ceux de beaucoup
d'autres U-Boote connaissent un nombre élevé de défaillances. Durant
toute cette patrouille ils auront été un souci majeur.
Patrouille n°10 du 31 mars au 6 Mai
L'ordre de mission
pour cette croisière prévoit que le sous-marin devra conduire la
guerre au commerce en Méditerranée occidentale puis de passer
Gibraltar pour poursuivre la guerre à l'ouest du détroit le long de
la côte africiane et sur la côte sud d'Espagne.
A 10 heures du
matin par très beau temps, U 35 précédé d'un dragueur de
mines gagne la sortie des Bouches et met le cap au sud. Alors qu'il
n'a appareillé que depuis 3 heures, il est la cible d'un sous-marin
adverse qui lance une torpille. Ayant repéré le sillage à temps, il
l'évite par une abattée brutale et tandis qu'elle passe à une
centaine de mètres sur l'arrière, il ouvre le feu au canon sur le
point de lancement de cette torpille pour contraindre son adversaire
à plonger plus profondément. On apprendra après la guerre que le
sous-marin adverse était le Circé du Lieutenant de Vaisseau
de Cambourg.
La nuit suivante,
le Canal d'Otrante est franchi sans difficultés. Dans l'après-midi
du 2 on rencontre l'U 34 du Kplt Klasing avec qui on échange
quelques signaux puis vient la nuit. Le 3, à 3 heures du matin, en
route en surface, alors que la lune vient de se coucher, l'ombre
d'un navire est aperçue et à 450 m de distance, une torpille est
lancée depuis le tube arrière. Le vapeur s'enfonce très vite par
l'avant tandis que le radio émet des messages de détresse. Quinze
minutes plus tard, il a coulé. L'équipage du vapeur qui a pu prendre
place dans une embarcation est rejoint par von Arnauld. Selon les
dires des naufragés, le Capitaine et les Officiers se seraient
noyés. Le vapeur est l'anglais Ardgask (4542 t.) armé d'un
canon, en route de Bombay à Hull.
Le lendemain midi,
dans le sud de la Sardaigne, la fumée d'un vapeur est visible à
l'horizon. Après s'être rapproché, von Arnauld prend la plongée pour
une attaque. Le vapeur est armé et il a la radio. Un tir de torpille
par le tube arrière échoue car le vapeur a changé de cap en même
temps. A 6000m de distance, U 35 fait surface et ouvre le feu
auquel répond le vapeur. Celui-ci équipé d'un appareil fumigène
tente sans succès de se cacher derrière tout en émettant sans
discontinuer des SOS que le sous-marin brouille pour les rendre
incompréhensibles. Enfin, au bout d'un échange de tirs pendant une
heure et demie, le vapeur amène ses couleurs et met ses embarcations
à la mer. Il s'agit du vapeur anglais Parkgate (3232 t.).
Pendant que von Arnauld s'approche des canots alors distants de
mille mètres du navire, on aperçoit des silhouettes sur le vapeur.
Le sous-marin reprend le tir mais personne ne s'approche du canon.
Depuis l'une des embarcations, un officier fait savoir qu'il s'agit
du Capitaine blessé et de 6 hommes qui sont restés accrochés à leur
canot qui s'est détaché pendant l'évacuation. Méfiant von Arnauld
prend cet officier à son bord, ordonne à l'un des canots d'aller
chercher le Capitaine anglais et signale au vapeur que l'officier
restera en otage aussi longtemps qu'ils n'auront pas quitté leur
bateau. Et s'ils s'approchent du canon, l'otage sera abattu ! Bien
évidemment, les marins anglais s'exécutent et le Capitaine du
Parkgate, légèrement blessé, est bientôt amené à bord du
sous-marin. Il y est interrogé par von Arnauld qui lui signifie
qu'il est désormais prisonnier de guerre. Les naufragés sont alors
priés de s'éloigner et c'est au canon que le Parkgate est
coulé à 18h30. Une partie de cet épisode figure sur le film
allemand.
Une heure plus
tard, la nuit commence à tomber et c'est le 4-mats goélette
américain Marguerite (1553 t.) qui est intercepté. Il fait
route à vide de Cagliari vers Almeria mais il se trouve en secteur
interdit depuis l'entrée en vigueur des nouvelles règles de prise.
L'équipage est évacué, le voilier est piégé avec deux charges
explosives qui ne suffiront pas à le couler. Or, la mer grossit
d'heure en heure et il n'est pas possible de retourner à bord pas
plus que de faire usage du canon. Il faudrait lancer une torpille
mais le voilier ne la vaut pas. Le sous-marin reste donc à proximité
du voilier toute la nuit et profite d'une accalmie le lendemain
matin pour en finir avec lui.
Le lendemain matin,
un vapeur armé est aperçu dans le sud-ouest de la Sardaigne. U 35
l'attaque au canon. Après un combat de 4 heures, le vapeur finit par
se rendre. Il s'agit de l'Anglais Maplewood (3239 t.)
chargé de 5000 tonnes de minerai de fer à destination de West
Hartlepool. En raison de la proximité des côtes, il est coulé d'une
torpille et son capitaine retenu prisonnier. Le 9 à l'aube, un gros
vapeur battant pavillon français est aperçu au large de la côte
africaine. Une torpille est lancée règlée à l'immersion de 3 mètres
mais en raison de la houle, elle sort de l'eau à plusieurs reprises
et est aperçue par le vapeur qui parvient à l'éviter. Poursuivant sa
route vers les Baléares, U 35 rencontre le 3-mâts goélette
anglais Miss Morris (156 t.) à vide de Gènes vers Malaga. A
19 heures le 11, le voilier est sabordé à l'explosif après
évacuation de son équipage de cinq hommes.
Toute la journée du
12, von Arnauld poursuit sa route vers l'Atlantique. Tôt dans la
matinée, le vapeur grec Kate est stoppé et visité. Il
transporte vers Le Pirée des céréales et de la farine pour le
gouvernement grec. Il est laissé libre de poursuivre et reprend sa
route tout en saluant chaleureusement les marins Allemands. A 11
heures, c'est un autre grec, le vapeur India (2993 t.) qui
lui, est chargé de près de 4000 tonnes de charbon de Cardiff vers
Oran. Il est sabordé avec des charges explosives et coule à l'est de
Gibraltar. A 19 heures, le sous-marin entre dans le détroit et
gouverne sur le feu de Ceuta qui est visible. En surface, U 35
longe la côte marocaine. Peu avant minuit, deux destroyers sont
aperçus balayant la surface de leurs projecteurs. Ils ne détectent
pas le sous-marin qui fonce vers l'ouest à pleine puissance. Selon
von Arnauld, le sous-marin n'a pas été vu mais probablement entendu.
Le trafic n'est pas très important, quatre vapeurs seulement ont été
aperçus. Enfin vers 2 heures du matin, le Cap Spartel est par le
travers tribord de l'U 35. Gibraltar est passé.
A 8 heures du matin
le 13, von Arnauld est dans l'Atlantique et, apercevant un vapeur
qui fait route en zigzag, il plonge pour l'intercepter. A 8h30, il
fait surface et tire un coup de canon de semonce. Le vapeur qui est
armé d'un canon de 75 répond au feu puis se rend après avoir été
touché à deux reprises. Il s'agit de l'italien Stromboli
(5466 t.) en route de Baltimore vers Gènes avec un chargement de
valeur (cuivre, nickel, acier, pièces d'artillerie etc…). Son
équipage à l'exception du Capitaine est libéré mais le navire lui
est coulé par des charges de sabordage. Dans l'après-midi, selon un
scenario désormais classique, un vapeur est arrêté par un coup de
semonce. C'est le grec Odysseus (3463 t.) qui transporte vers
Marseille du blé et de la farine. L'équipage est laissé libre et le
vapeur est sabordé avec des explosifs. La journée s'achève avec
l'arraisonnement et le sabordage du vapeur italien Giuseppe
Accame (3224 t.) chargé de 3600 tonnes de maïs d'Argentine pour
Gènes. La mer étant houleuse, U 35 plonge à 20 mètres pour la
nuit afin que son équipage puisse se reposer.
A 5 heures du matin
U 35 fait surface, prêt pour une nouvelle journée. La mer est
toujours agitée. A 8 heures du matin, un vapeur armé cap à l'ouest
est repéré. Le sous-marin plonge et lance une torpille mais le coup
est manqué. Malgré la houle, Lothar décide d'attaquer au canon et
pendant deux heures, le canon tonne de part et d'autre. Finalement,
à une distance de 6000 m. U 35 place deux coups au but. Le
vapeur se rend et met deux canots à la mer. Il s'ait de l'Anglais
Patagonier (3832 t.) qui fait route à vide d'Oran vers Cuba où
il doit charger du sucre. L'équipage est laissé libre à l'exception
du Capitaine qui vient rejoindre les autres Capitaines déjà
prisonniers à bord. La nuit suivante se passera de nouveau dans les
profondeurs à cause de la forte houle. Pour la journée du lendemain,
Lothar a le projet de patrouiller la route Gibraltar-Cap St Vincent.
A l'aube le 15,
U 35 est de retour en surface. La mer est moins forte et il
poursuit sa route vers le Cap St Vincent. A 13h00 un vapeur est en
vue. Coup de semonce. Arrêt. Contrôle du navire. C'est le norvégien
Estrella qui fait route de Buenos-Ayres pour Bergen avec du
fret divers. Navire neutre naviguant entre deux ports neutres,
Lothar le relâche. En fin d'après-midi, un autre vapeur est
contrôlé. Il s'agit du grec Panaghis Drakatos (2734 t.) qui
est en route de Huelva pour Norfolk, US A. Le bateau
navigue sous charte-partie anglaise et cela depuis le début de la
guerre. Lothar considère qu'il ne peut bénéficier de la clause de
nautralité et le navire est sabordé après évacuation de l'équipage
qui est laissé libre.
Deux jours plus
tard, à l'aube, un vapeur est sommé de s'arrêter et en réponse,
ouvre le feu. Le sous-marin en fait autant et finalement à une
distance de 8700 m., place plusieurs coups au but. Le vapeur
abandonne et son équipage évacue. Il s'agit de l'Anglais Brisbane
River (4989 t.) qui est à vide de Malte à Baltimore. Il est
sabordé à l'aide d'explosifs, les marins anglais sont laissés libres
et leur Capitaine est retenu prisonnier. C'est alors qu'apparaît un
destroyer et l'U 35 doit se dérober dans les profondeurs. Il
est midi quand un autre vapeur est en vue. C'est encore un anglais.
Il s'agit du Corfu (3695 t.) contre lequel U 35 ouvre le feu.
Avant qu'il se rende, le vapeur reçoit plusieurs coups au but qui
vont faire 5 tués dont le Capitaine. Le navire de Philadelphie à
Gènes est chargé de 5400 t. de minerai de fer. Il est sabordé. Dans
l'après-midi, un bateau suspect d'abord sans pavillon puis arborant
les couleurs espagnoles est en vue. Von Arnauld supposant qu'il peut
s'agir d'un piège reste prudemment immergé. La journée s'achève sur
l'interception d'un vapeur en apparence armé. Le sous-marin fait un
tir de sommation et au deuxième coup, le vapeur s'arrête puis son
équipage évacue. C'est encore un anglais. Le vapeur Fernmoor
(3098 t.) est pour sa part en route de Baltimore pour Gènes avec
4000 t. de minerai de fer et il est sabordé avec des explosifs et
coule à la tombée de la nuit. Encore une journée bien remplie !
Le lendemain 18
avril, peu après 8 heures, à 100 milles dans l'ouest de Gibraltar
par grosse houle, un vapeur armé cap à l'est est en vue. L'U 35
plonge et à 9 heures, il lance une torpille à 500 m de distance.
Coup au but en plein milieu. L'équipage évacue rapidement son navire
qui coule. Il s'agit de l'Anglais Trekieve (3087 t.) qui
transporte 4400 t. de charbon vers Gènes. Son Capitaine est fait
prisonnier. En début de soirée, un grand vapeur avec deux cheminées,
estimé faire 10000 t. est aperçu mais il est trop rapide pour
pouvoir l'attaquer. La journée du 19 présente toujours le même type
de temps avec une grosse houle qui rend difficile les attaques en
surface. Aussi c'est une attaque à la torpille qui est conduite
contre un vapeur armé. Deux canonniers sont visibles auprès du canon
! A une distance de 650 m. U 35 lance par un tube d'étrave et
fait but. En deux minutes le vapeur a disparu et une dizaine
d'hommes seulement sur la trentaine qui composaient son équipage ont
pu évacuer à temps. En interrogeant les rescapés, Lothar apprend
qu'il s'agit du vapeur anglais Sowwell (3781 t.) qui
transportait plus de 6000 tonnes de minerai de fer vers Glasgow,
raison pour laquelle il a coulé si rapidement.
A six heures du
matin le 20, toujours loins dans l'ouest de Gibraltar, le vapeur
Lowdale (2260 t.), encore un anglais qui fait route vers Tunis
avec du charbon gallois, est sommé de s'arrêter. Son équipage est
évacué puis le navire est coulé au canon. Au nombre des marins qui
étaient à bord de ce navire, il y a les 10 rescapés du Sowwell
coulé la veille et que le Lowdale avait repêchés !
Il est 11 heures du
matin ce même jour quand von Arnauld attaque en plongée un gros
transport estimé à 12000 tonnes. Le navire est un ancien paquebot
transformé en croiseur auxilliaire et à une distance de 1800 m. le
sous-marin lance une torpille qui atteint le navire sur bâbord
avant. Le croiseur puvre le feu sur le périscope sans l'atteindre,
obligeant von Arnauld à rester sous l'eau. A une distance de 9000 m.
du croiseur, U 35 fait surface pour observer. Le croiseur est
toujours à flot et fait route en émettant des messages d'alerte. Il
n'est pas possible dans les conditions de mer actuelles de tenter
une nouvelle attaque et von Arnauld renonce d'autant qu'un nouveau
vapeur est visible à l'horizon. Comme on l'apprendra plus tard, le
paquebot transformé en croiseur est le Leasowe Castle (9737
t.). Il parviendra à gagner Gibraltar où il sera réparé. Mais
revenons-en à ce vapeur qui vient d'être aperçu cap à l'est. Un tir
de sommation est effectué et il s'arrête et l'équipage évacue. C'est
le vapeur anglais Nentmoor (3535 t.) en provenance de Rosario
avec près de 6000 tonnes de blé et de grain. Le navire est sabordé
avec des explosifs. Ce navire à peine coulé, un gros vapeur à trois
mâts est en vue. U 35 plonge pour une attaque mais le vapeur
est trop loin et trop rapide pour pouvoir être rejoint.
Le gros temps des
jours passés a causé des avaries sur le diésel tribord qui semble
avoir été ébranlé dans ses fixations. Il faut le mettre à l'arrêt et
il ne sera redémarré qu'en cas de besoin car il vibre beaucoup. Le
lendemain, 21 avril, la mer s'est calmée. U 35 patrouille sur
la route des vapeurs mais ne trouve rien à attaquer. Le 22, un
4-mâts espagnol en route vers l'Amérique du Sud est examiné puis
relâché. Von Arnauld décide de revenir vers Gibraltar où il pense
trouver davantage de trafic.
En effet, à l'aube
du 23, deux vapeurs sont en vue. Le premier à 2500 m., le second, un
pétrolier à 6000 m. U 35 attaque le premier qui est touché
tandis que le second se défend et prend la fuite. Le premier vapeur
est l'italien Bandiera E Moro (2086 t.) qui transporte du
minerai de fer vers Glasgow. L'équipage quitte son navire qui est
sabordé à l'explosif. Deux heures plus tard, un paquebot cap à
l'ouest est attaqué au canon. Celui-ci répond au feu et même à 7500
m. de distance, ses obus tombent à 20 m. de l'U 35 qui doit
se réfugier en plongée. A 10 heures, ce sont deux vapeurs qui sont
en vue, tous deux armés. En plongée à 800 m. de distance, U 35
lance sa dernière torpille. Le départ de la torpille est bien
observé mais on ne voit aucun sillage de bulles derrière elle. La
torpille est défectueuse. Il ne reste plus que 44 obus ce qui est
bien peu pour s'attaquer à des vapeurs armés. Pour tromper
l'adversaire sur ses intentions, von Arnauld décide de monter
jusqu'au Cap St Vincent où il se fera voir cap au Nord avant de
retourner vers Gibraltar. Le lendemain matin, devant St Vincent, il
intercepte deux vapeurs qu'il tient sous la menace de ses canons. Le
premier est le danois Nordsoen (1055 t.), le second le vapeur
Torvore (1667 t.), un norvégien qui navigue sous contrat
anglais. L'un et l'autre sont sabordés avec des explosifs. A 11 h.
du matin, le vapeur Wilhelm Krag (3715 t.) est arrêté. C'est
un norvégien qui se rend à vide de Gènes à Barry Roads sous contrat
anglais. L'équipage est évacué et le navire est coulé de quelques
coups de canon. Dans l'après-midi, plusieurs navires sont contrôlés
et relâchés. A 16 heures, le voilier Bien Aimé Prof. Luigi
(265 t.) est arrêté. Il s'agit d'un italien qui fait route vers
Fowey et qui sera sabordé non sans qu'auparavant l'équipage de l'U
35 ait pu récupérer à son bord 900 litres d'eau potable !
A 18 heures, U
35 passe le Cap St Vincent, ostensiblement cap au Nord. Plus
tard dans la soirée, il effectue une plongée de vérifications et en
profite pour mettre cap au Sud, cette fois en direction de
Gibraltar. Il ne reste plus à bord que 24 obus.
Le 25 avril, U
35 fait route vers Gibraltar contre la mer et le vent sans rien
apercevoir. La mer force 6 est très agitée et c'est à 22 heures que
par le travers du Cap Spartel, le sous-marin s'engage dans le
Détroit puis met le cap vers Ceuta qu'il relève sur tribord à 1 h du
matin. Le temps devient de plus en plus mauvais et comme en surface
on n'avance pas, U 35 plonge et fait route vers lest à une
profondeur de 23 m. Le lendemain matin retour en surface. Gibraltar
est derrière.
Les jours suivants,
sur la route du retour, U 35 doit encore faire face à du très
mauvais temps jusqu'au 3 mai. Sans une occasion de tirer ses
derniers obus, il fait route directe sur le détroit d'Otrante qu'il
aborde dans la soirée du 5 et franchit dans la nuit.
A midi le 6 mai,
U 35 s'amarre enfin le long du Gäa avec à son bord un
équipage exténué mais heureux car la croisière a été fructueuse.
Durant cette patrouille de 36 jours, l'U 35
a parcouru 5550 milles dont 321 en plongée et envoyé par le fond 21
vapeurs plus 3 voiliers totalisant près de 70000 tonnes ! Neuf
torpilles ont été lancées dont 5 ont fait but, 541 obus de 105mm ont
été tirés et 26 charges de sabordage utilisées. Eprouvé par cette
longue patrouille, l'U 35 prend dès le lendemain la
direction de Pola pour entrer en réparations.
Jusqu'au mois
d'octobre, le sous-marin qui a besoin de grosses réparations en particulier au
niveau de ses moteurs, restera au chantier naval de Pola, n'en sortant que pour
effectuer des essais.
Au cours de
cette patrouille, un cameraman a pris passage à bord du sous-marin pour
réaliser un film de propagande. Ce film est parvenu jusqu'à nous. Il est
intitulé "Der Magische Gürtel" (Le cercle enchanté). C'est un film muet
qui n'est pas sans intérêt et qu'il est possible de
visualiser sur le net.
Patrouille n°11 du 2 Octobre au 6
Novembre
Le 2 octobre dans la journée, U 35
large les amarres du croiseur austro-hongrois
Maria Theresia
bâtiment-base des U-Boote pendant leur séjour à Pola et prend la mer
pour une patrouille en Méditerranée occidentale ainsi qu'à l'ouest
de Gibraltar sur la côte du Maroc. Pour cette patrouille,
l'Oberleutnant Prince Sigismond de Prusse, neveu du Kaiser et fils
du Prince Heinrich, qui est arrivé il y a quelques jours, a pris
place à bord en tant qu'Officier de Quart. Le jeune homme a souhaité
participer davantage à l'effort de guerre en embarquant sur un
sous-marin. On note également que pour cette mission le sous-marin a
pu embarquer 10 torpilles.
Le 4 octobre dans
la soirée, U 35 franchit le détroit d'Otrante sans être
repéré et le lendemain, il fait route en surface direction de
Corfou. Dans les premières lueurs de l'aube, une flottille de 6
torpilleurs anglais est aperçue qui soudain change de cap et fonce
vers le sous-marin. U 35 est contraint de plonger en urgence
et subit une attaque de grenades sous-marines qui ne causent
finalement que peu de dégâts au sous-marin. Sans difficultés von
Arnauld échappe à l'attaque et reprend sa route dès que les
torpilleurs sont hors de vue. Poursuivant vers l'ouest, Lothar met
le cap sur la route Malte-Pantelleria qu'il patrouille sans succès
les jours suivants et le 10 dans la matinée, alors qu'il est au
large de la côte d'Afrique, il exécute le tir de torpille A/08
contre un vapeur. Ces torpilles d'un modèle ancien ne sont pas très
performantes et le coup est manqué. Plus tard dans la journée il
tente une nouvelle attaque cette fois avec une torpille G/6A sans
plus de succès malgré qu'une forte détonation ait été entendue ;
elle ne peut pas être rattachée à ce tir de torpille. Le 11 octobre,
au large de Cherchel (Algérie) il espère avoir plus de succès en se
rapprochant de la côte mais là non plus, le trafic marchand n'est
pas au rendez-vous. Il est temps de changer de secteur et toute la
journée du 12 il fait route vers la côte d'Espagne en bordure des
eaux territoriales.
Au matin du 13,
U 35 est en chasse au large du Cap Palos où dès les premières
heures de l'aube il attaque au canon à 3 milles de distance un
vapeur armé contre lequel plusieurs coups vont au but. Trois canots
évacuent le vapeur et s'en éloignent, bientôt rejoints par von
Arnauld. Il s'agit du vapeur anglais Alavi (3627 t.)
immatriculé à Bombay, à vide de Gènes à Carthagène où à l'exception
du Capitaine et des Officiers tous l'équipage est de couleur. Le
vapeur est sabordé avec des explosifs et achevé au canon. Il coule à
6 milles dans le nord-est du Cap Palos. Toute la journée le
sous-marin patrouille ce secteur et cette fois il n'y perd pas son
temps. A la nuit tombante, 3 vapeurs sont repérés. Le premier est
atteint par une torpille et coule rapidement en émettant des signaux
de détresse. Il s'agit de l'italien Doris (3979 t.). Le
suivant est également atteint par une torpille et ne tarde pas à
couler lui aussi en émettant force messages de détresse. C'est aussi
un italien du nom de Lilla (2819 t.). Le sous-marin ne le
verra pas couler mais lui aussi va par le fond. Le troisième s'est
échappé.
La nuit sombre
ramène un calme de très courte durée car à 1h15 du matin, le vapeur
grec Despina G.Michalinos (2851t.) est lui aussi atteint par
une torpille et coule une demi heure plus tard. A l'évidence, U
35 vient de semer une grande pagaille à la côte d'Espagne.
L'atmosphère est pleine de messages d'alerte en français et en
anglais signalant la présence du "loup". A 5h30 du matin, un navire
dont le profil sombre est visible sur la mer est détecté faisant
route vers le sous-marin tout en tirant avec un canon de 47mm.
Plusieurs coups tombent à proximité et Lothar ordonne la plongée car
à l'évidence, ce bateau cherche à l'aborder. Pendant que l'U 35
plonge plusieurs projectiles touchent le sous-marin puis ce sont
deux grenades sous-marines qui explosent derrière lui. Finalement le
jour se lève et von Arnauld peut revenir en surface.
Répit de courte
durée, une avarie sur le diésel bâbord oblige les mécaniciens de l'U
35 a passer une partie de la journée
à réparer.
La nuit suivante
est moins agitée. A l'aube, un vapeur est sommé de s'arrêter. Il
n'exécute pas l'ordre et ouvre le feu sur l'U 35 avec un
petit canon de poupe obligeant le sous-marin à se mettre à l'abri
sous la surface. Au moment où le sous-marin plonge, un croiseur
auxilliaire anglais lancé à pleine vitesse, apparaît et grenade le
sous-marin à deux reprises. L'installation électrique endommagée par
les explosions, U 35 se réfugie à 50 m de profondeur et
lorsque le bruit des hélices a disparu, il fait prudemment surface.
Il est 11h30 du matin et il n'y a plus rien en vue. L'assaillant
anglais était HMS City of Belfast (1055 t.).
Le jour suivant,
U 35 prend la direction de Gibraltar.
Au soir, il est au
large de Ceuta à 21 heures puis devant Tarifa une heure et demie
plus tard et passe finalement le Cap Spartel à minuit. Il n'y a pas
de trafic. Toute la journée du 17 il fait route vers l'ouest dans
l'Atlantique mais par suite d'une nouvelle avarie de machine, il ne
peut rient entreprendre sinon réparer le diésel défaillant.
A 6h30 le 18, un
vapeur armé isolé est en vue. Au tir de sommation du sous-marin, le
vapeur répond et un duel s'engage durant 30 mn durant lesquelles le
vapeur est touché dans la coque, se rend et évacue. Il s'agit de
l'Italien Lorenzo (2498 t.) avec 2900 t. de charbon pour l'Italie.
Le vapeur est sabordé à l'aide de cartouches explosives. Pendant
qu'il coule, à une distance de 9000 m. un navire de guerre anglais
est en vue. U 35 prend la plongée jusqu'à 10h30 puis fait
surface pour achever les réparations commencées la veille. A 19h les
deux diésels sont en état de marche. Deux jours plus tard dans la
matinée, un vapeur armé est intercepté. Il s'agit du Japonais
Ikoma Maru (3048 t.) en route de Marseille vers le Chili. Il est
sabordé avec des explosifs et coule à 11 heures.
Le 21 von Arnauld
est au large de Madère où dans les jours suivants il ne trouve aucun
navire à attaquer à l'exception du voilier Fannie Prescott
(404 t.), un 3-mâts goélette américain en route de Casablanca vers
le Sierra Leone. L'équipage est libéré mais le voilier est coulé
avec des explosifs.
Le 27, en vue de la
côte marocaine, un vapeur est sommé de s'arrêter. C'est un espagnol
dont les documents sont en règle. La patrouille se poursuit vers le
nord, en direction du Cap Spartel puis entre Cadix et Trafalgar le
lendemain. Il y a du trafic maritime mais aucune possibilité
d'attaque d'autant que la mer est agitée. En début de nuit, U 35
s'engage dans le Détroit de Gibraltar qu'il franchit sans autre
incident que d'être contraint à plonger pour ne pas être aperçu. A 7
heures du matin il est de retour en Méditerranée où il rencontre un
gros vapeur anglais à une cinquantaine de milles du Détroit. Attaque
en plongée et tir d'une torpille à 900 m de distance. Coup au but
mais l'approche d'un destroyer ne permet pas d'en apprendre
davantage. En fait il s'agit du vapeur Namur (6694 t.) en
route de Shangai à Londres. Poursuivant sur la route de retour, von
Arnauld lance en direction d'un vapeur estimé à 5000 tonnes mais la
torpille manque son but.
A midi le 31
octobre, en vue du Cap Ténès, attaque en plongée sur un vapeur armé
qui semble lourdement chargé et qui navigue en longeant la côte.
Coup au but au niveau de la soute arrière. Le navire coule en 30
secondes ! U 35 fait surface et sauve quatre marins, un Russe
et trois Grecs qui sont fait prisonniers. Leur navire est l'Anglais
Cambric (3403 t.) chargé de 5000 tonnes de minerai de fer de
Tunisie à destination de la Grande Bretagne. Toutes les torpilles
ayant été utilisées, U 35 met le cap directement sur Cattaro.
Le 2 novembre, au
passage dans le sud de la Sardaigne, deux voliers italiens sont
interceptés. Les équipages sont laissés libres mais leurs navires
sont coulés au canon. Il s'agit des voiliers Maria di Porto Salvo
(91 t.) et San Francesco di Paola (223 t.). Dans
l'après-midi, l'U 35 est repéré par un destroyer et attaqué
sans effet avec deux grenades sous-marines. Poursuivant sa route
vers l'est, il franchit le canal d'Otrante le 6 au matin. Cattaro
n'est plus qu'à quelques heures devant l'étrave et on suppute déjà
l'heure d'arrivée mais c'est sans compter avec les hasards de la
guerre !
Von Arnauld qui a
laissé la conduite du bateau au Lieutenant de Terra est descendu se
reposer un petit moment sur sa couchette. Avant de descendre, il a
bien insisté sur la nécessité d'une veille particulièrement
attentive en raison de la présence déjà signalée par le passé, de
sous-marins ennemis en embuscade sur la route des U-Boote. Bien sûr,
il serait peut être plus prudent de naviguer en immersion mais dans
ce cas on n'arriverait que demain et tout le monde est fatigué par
cette longue patrouille. En surface et en avant toute ne représente
pas un risque supplémentaire… Mais laissons Lothar raconter la
suite.
"Je devais m'être allongé depuis une dizaine de minutes quand je fus
brusquement réveillé par un vacarme venant du kiosque. Je me
demandais ce qui pouvait bien se passer et je m'y précipitais.
- Que se passe-t-il demandai-je en passant la tête par le panneau. Devant
moi se tenait l'Obersteuermann Neumann, mon chef de quart qui, sans
voix, désignait un point le long de la coque. Je suivis son regard
et je vis à quelques mètres la lentille d'un périscope qui semblait
me regarder en tournant lentement. D'où je me trouvais j'aurais
presque pu le toucher !
Notre bateau était en train de décrire un tour complet de telle façon que
la poupe manqua de heurter le périscope ennemi de quelques
centimètres. Instinctivement, de Terra avait ordonné un brutal
changement de cap comme si cette manœuvre aurait pu nous éviter la
torpille qui fonçait sur nous. Sans aucun doute, il allait se
produire une énorme explosion qui allait tous nous projeter dans les
airs.
Le sillage de la première torpille passa exactement sous la quille à
hauteur du kiosque pour ressortir de l'autre côté. L'immersion de
cette torpille avait du être règlée trop profonde. La deuxième
torpille passa sous la poupe. Une troisième torpille avait été tirée
derrière nous mais avait été facile à éviter et le périscope avait
disparu. Tout ceci s'était produit en quelques secondes. Puis de
Terra qui était encore livide me raconta quand il eut repris ses
esprits ce qui s'était passé avant que je n'arrive sur la
passerelle.
Le périscope ennemi avait été aperçu à environ cinquante mètres sur
tribord. Soudain il y avait eu une grosse bulle verte et blanche qui
avait crevé la surface et le périscope était à nouveau apparu
derrière. J'ai alors crié "A gauche toute, en avant toute !" A deux
mètres de notre flanc gauche, un énorme poisson d'acier avec une
tête rouge sortait de l'eau, son hélice sifflant dans l'air. Par
réflexe je me protégeai la tête entre les bras et la torpille
s'éleva puis rebondit avec fracas sur le pont passant entre le
kiosque et le canon avant de retomber à l'eau de l'autre côté.
Remarquant le doute sur mon visage, mon officier désigna d'un geste les
filières arrachées et la grosse éraflure rouge sur le pont. C'est
une chance que Berger qui généralement se tenait là entre les deux
ait eu le réflexe de se jeter de côté pour s'écarter et une chance
également que le percuteur de la torpille n'ait pas heurté quoi que
ce soit sinon personne n'aurait plus été là pour en parler ! Je me
suis retenu de demander à de Terra si au moins, en tant qu'officier
torpilleur il avait identifié le type de torpille. En redescendant
dans le poste central, j'expliquai à l'équipage qu'un charmant
collègue nous avait décoché une salve de torpilles qui étaient
passées dessous et dessus notre bateau, l'équipage me regarda
curieusement en se demandant si je n'avais pas perdu la tête. Pour
les convaince que non, je leur suggérai d'aller jeter un coup d'œil
sur le pont.
A l'évidence, personne n'allait me croire et lorsque le soir même je fis
mon rapport au Chef de Flottille, il fallut qu'il se rende compte
par lui-même de l'état de mon bateau pour se convaincre que je
n'étais pas devenu fou. Le lendemain, notre sous-marin était devenu
un véritable lieu de pèlerinage pour tous les équipages allemands et
austro-hongrois de la flottille et ce fut un véritable défilé toute
la journée".
Le tout n'a duré
que quelques minutes mais sur le kiosque on est livide et sous le
coup d'une vive émotion !
A toute vitesse,
U 35 file vers le Nord, tantôt en plongée, tantôt en surface
puis fait route vers la côte. A 17 heures von Arnauld fait surface
et rejoint le torpilleur autrichien 62 qui l'escorte vers les
Bouches.
Enfin à 19h30, U
35 s'amarre à couple du SMS Gäa au terme d'une patrouille
de 35 jours durant laquelle il a parcouru 5800 milles, consommé 101
tonnes de gazole, utilisé ses 10 torpilles et 105 obus pour couler
onze navires représentant près de 30000 tonnes. Le résultat est très
moyen pour une telle durée mais il faut dire que les conditions dans
lesquelles s'effectue désormais la guerre sous-marine ont bien
changé. Peu de navires marchands naviguent isolément et la plupart
d'entre eux sont armés ce qui limite l'usage du canon.
L'adversaire sous-marin qui avait bien failli
mettre un terme à l'existence de l'U 35 et de son équipage
était le français Faraday. Ce n'était pas jour de chance pour
le LV Bougard son commandant dont le sous-marin ne sera identifié
qu'après la guerre en dépouillant les journaux de bord. On y
découvrira également que le Faraday n'avait tiré que 3
torpilles. Quelques années plus tard à l'occasion d'une escale à
Naples avec le croiseur Emden, Lothar en était venu à évoquer
cette affaire avec des marins italiens qui l'avaient connue, on lui
avait affirmé qu'après cet échec le LV Bougard aurait demandé à être
relevé de son commandement, estimant qu'une telle malchance ne l'en
rendait pas digne ! Sans doute une exagération avait remarqué Lothar
en ajoutant que même s'ils avaient compté une torpille de trop, les
trois autres auraient suffi.
Patrouille n°12 du 8 au 31 Décembre
1917
Secteur d'opération
: Côte d'Afrique du Nord et côte est d'Espagne avec liberté de
pénétrer en Atlantique.
A 13h30 le samedi 8
Décembre, U 35 largue les amarres du SMS Gäa escorté
par deux torpilleurs et il sort des Bouches à 14h45. Après une
plolngée de vérifications, il fait surface à 19h30 et en avant
toute, il met cap au sud en direction du Détroit d'Otrante. A 5h30,
il passe par le travers de Santa Maria di Leuca et à 8 heures un
destroyer cap à l'ouest est en vue. L'intention de von Arnauld est
de se rendre d'abord sur la route Malte-Corfou. Le secteur est
intéressant car peu après 10h30 le 10, un vapeur escorté par deux
chalutiers est repéré suivant une route en zigzag. En plongée le
sous-marin se positionne à 700 m. de distance. Il lance une torpille
sur le vapeur et fait but au niveau de la machine mais le navire ne
coule pas. Surface ! Malgré que les chalutiers tirent furieusement
sur le sous-marin, ils ne sont toutefois pas à hauteur de leur
adversaire et cessent bientôt le feu. L'U 35 peut à présent
diriger son tir sur le vapeur pour le couler. Il s'agit de l'anglais
Persier (3874 t.) avec un chargement de charbon. La mer
devenant grosse, von Arnauld décide de passer la nuit dans les
profondeurs.
Les jours suivants
n'amènent aucune nouvelle proie à portée des tubes de l'U 35
qui poursuit sa route en direction de la côte d'Afrique du Nord. Le
16 au large d'Alger il lance sans succès contre un vapeur. Il faut
attendre le 20 en fin de nuit au large du Cap Ivi pour que se
présente un convoi de 5 vapeurs escortés par deux destroyers. Une
torpille est lancée en surface et atteint l'anglais Fiscus
(4782 t.) qui coule. Ayant gardé le contact avec le convoi, l'U
35 plonge à l'aube et lance contre un autre vapeur. Coup au but
en plein milieu. En moins de 30 minutes le vapeur a coulé. C'est le
Waverley (3853 t.) qui transportait du charbon de Cardiff à
Port Saïd. Le convoi s'éparpille tandis que les destroyers de
l'escorte sont engagés dans le sauvetage des équipages des vapeurs
coulés. Dans une mer très houleuse, U 35 se lance pendant
deux heures à la poursuite des vapeurs distants de 3 à 5 milles mais
doit interrompre car les canonniers ont parfois de l'eau jusqu'à la
poitrine et les munitions mouillées présentent des ratés. Finalement
l'un des vapeurs se détache et il est envisagé une nouvelle attaque
mais la difficulté à maintenir l'immersion en raison de l'état de la
mer fait renoncer.
Au matin du 23
devant le Cap Palos à la côte espagnole, le vapeur italien Pietro
(3860 t.) naviguant en convoi est contraint de s'arrêter par une
salve d'artillerie puis sabordé alors qu'il cherche à rejoindre les
eaux espagnoles. Le contact est maintenu jusqu'au soir du 24 au
large d'Oran quand à une distance de 80 mètres le vapeur anglais
Turnbridge (2874 t.) est torpillé et coule aussitôt. Von Arnauld
profitant de la pleine lune garde étroitement le contact avec le
convoi et avant l'aube du 25, c'est le vapeur armé anglais Argo
(3071 t.) qui est toprillé à son tour. A la suite de cette attaque,
dans le jour qui se lève, le convoi se disperse et c'est alors que
von Arnauld repère deux vapeurs qui se dirigent vers la côte. Ce
choix de leurs capitaines pour échapper au sous-marin va s'avérer
fatal. D'abord, c'est l'anglais Cliftondale (3811 t.) qui à 9
heures du matin est atteint par une torpille lancée en plongée puis
une heure plus tard, c'est le norvégien Nordpol (2050 t.)
qui subit le même sort !
N'ayant plus de
torpilles Lothar met le cap sur Cattaro où il entre alors que le
jour n'est pas encore levé en ce matin couvert du 31 Décembre, ayant
essuyé un sévère coup de vent en franchissant le barrage d'Otrante.
La plupart des
navires marchands se déplacent désormais en convoi et pour les
U-Boote la belle époque est finie. Au cours de cette patrouille de
23 jours von Arnauld a utilisé 9 torpilles dont sept ont fait but,
118 obus de 105mm ont été tirés et 3 cartouches explosives
utilisées. La distance parcourue a été de 3567 milles dont 248 en
plongée et le tonnage coulé s'élève à 57745 t.
U-35 le canon
de 105 mm |
SMS Gäa,
bâtiment base à Cattaro |
|
|
1918
Les évènements du 3 Février à Cattaro
A l'instar
des mouvements contestataires qui se font jour ici et là chez tous
les belligérants, en particulier depuis l'effondrement de la Russie,
la "grogne" a gagné la flotte austro-hongroise. Sur les navires de
surface, des marins se sont rebellés et se sont emparés par la force
de plusieurs unités, notamment du cuirassé Sankt Georg qui se
trouve au mouillage dans les Bouches de Cattaro. L'U 35 qui
est en cours d'armement pour sa prochaine patrouille, fait alors
mouvement en compagnie de l'U 63 pour bloquer l'accès des
Bouches puis, dans la journée, le sous-marin se place face au
cuirassé qu'il tient sous la menace de ses torpilles. Von Arnauld
informe les mutins qu'ils ont une heure pour évacuer faute de quoi
il devra faire usage des armes. La menace est on ne peut plus claire
! Elle produit l'effet escompté, les mutins amènent le drapeau rouge
et l'infanterie prend le navire d'assaut. En fin de journée, l'ordre
étant rétabli, U 35 reprend son poste d'armement. Au cours de
cet épisode décisif dans la résolution de cette mutineriet, Lothar
aura une nouvelle fois montré sa détermination absolue.
Patrouille n° 13 du 10 Février au 13
Mars
Secteur d'opération
: Méditerranée occidentale.
Le 10 Février dans
la matinée, U 35 apapreille pour une nouvelle patrouille dans
le secteur de la Méditerranée occidentale et la côte d'Afrique du
Nord. A son bord a pris place le prochain Commandant, le
Kapitänleutnant Ernst von Voigt qui effectue là une patrouille
d'information en compagnie de von Arnauld qu'il va remplacer au
retour.Le canal d'Otrante est passé sans difficultés à 5h le
lendemain matin.
U 35 met
alors le cap sur le secteur sud de la Sicile puis vers la côte
africaine et le Cap Tortosa. C'est dans ces parages que le 23
Février il intercepte le voilier portugais Humberto (274 t.).
Lothar fait évacuer ses 5 hommes d'équipage dont l'embarcation est
prise en remorque par un pêcheur et saborde le voilier avec une
charge explosive. Les jours suivants comme les jours précédents, le
sous-marin connaît une nouvelle fois un certain nombre de pannes de
machine. Cette situation est un problème récurrent dans la
Flottille.
Enfin, à 1 heure du
matin le 26 avec la pleine lune, un important convoi fortement
escorté est en vue cap au sud-ouest. U 35 plonge et attaque.
A une distance de 700 m. dans une mer fortement houleuse, une
torpille est lancée par le tube arrière et manque sa cible. Lothar
revient alors en surface et entreprend de venir se positionner sur
l'avant du convoi. A 5h25 il plonge pour une nouvelle attaque et à
6h05 il lance une nouvelle torpille sur un vapeur d'environ 3000
tonnes à vide. Malgré l'état de la mer, la torpille cette fois fait
but à l'arrière du vapeur. En 20 minutes il est coulé. On saura par
la suite qu'il s'agissait du Pytheas, un norvégien de 2690
t.. Le sous-marin reprend la poursuite du convoi sans être aperçu et
le soir venu, après le lever de la lune, il tente une troisième
attaque qu'il ne parvient pas à mener à son terme à cause des
zigzags du convoi.
Poursuivant sa
route, U 35 se trouve le lendemain au large de Malaga à une
cinquantaine de milles de l'entrée du Détroit de Gibraltar. Là, dans
les premières heures avant l'aube, il rencontre un convoi allié et,
en plongée, se met en position d'attaque. En premier, il lance une
torpille sur un gros vapeur suivie d'une seconde sur un autre vapeur
trois minutes plus tard. L'explosion de la première torpille est
nettement entendue, bientôt suivie par celle de la seconde. Deux
coups au but ! Ces deux torpilles sont insuffisantes pour couler les
vapeurs qui sont bientôt entourés de navires et pris en remorque. Il
s'agissait de deux Anglais, le Marconi (7402 t.) et le
Kerman (4397 t.) qui l'un et l'autre étaient en route de
Marseille vers le Rio de la Plata.
Durant la matinée,
nouvelle avarie de machine sur le sous-marin empêche de rester au
contact. Von Arnauld poursuit sa patrouille entre le Cap Palos et
Oran dans l'attente de la réparation du diésel bâbord qui ne
s'achève qu'au soir du 1er mars. Poursuivant sa route le
long de la côte d'Algérie, U 35 ne rencontre aucune nouvelle
possibilité d'attaque.
Le 4 mars, au nord
des Iles de la Galite (Tunisie), il rencontre le sous-marin UC 27
à qui il fournit quelques vivres et avec qui il échange ses
informations avant de se séparer. Le lendemain la mer est très
agitée, obligeant à passer la nuit en plongée. Enfin, le 6 le temps
s'améliore, un convoi de 4 vapeurs escortés par un croiseur léger et
3 autres navires est en vue cap à l'est en direction de la Sicile.
Après une poursuite de 11 heures, von Arnauld parvient à se mettre
en position d'attaque et lance en plongée une torpille qui atteint
le Daiten Maru (4555 t.), un japonais sous contrat avec le
pavillon italien.
Le 7, à l'ouest du
détroit de Sicile, le vapeur espagnol Begona No 4 (1850 t.)
est intercepté. Il transporte du matériel de guerre de Barcelone au
Pirée pour l'Etat grec. En quelques coups de canon, le vapeur est
coulé après évacuation de son équipage qui est laissé libre. Le
lendemain, faisant route vers le nord-ouest, un gros convoi
fortement escorté est en vue. Un changement de cap du convoi rend
une attaque impossible dans la soirée mais dans la nuit, un navire
de ce même convoi est attaqué en surface et coulé par une torpille.
Il s'agit de l'Anglais Silverdale (3835 t.).
Il ne reste plus
dans les tubes avant que deux torpilles Whitehead sans dispositif de
règlage de l'angle de visée et que de ce fait seuls des coups
directs auraient pu être tentés, il n'y a pas eu de nouvelles
opportunités d'attaque et l'U 35 met le cap sur Cattaro où il
arrive le 13.
Durant cette
dernière patrouille de 23 jours, U 35 et son équipage ont
parcouru 3612 mlilles nautiques dont 220 en plongée. Sur 10
torpilles embarquées, 8 ont été tirées et 5 ont fait but. Il a par
ailleurs été utilisé 63 obus de 105mm et une charge de sabordage. Au
total ce sont 5 navires coulés représentant 13200 t. plus deux
endommagés.
Au retour de cette
patrouille, Lothar remet officiellement le 17 mars son
commandemement au Kapitänleutnant Ernst von Voigt auquel succèdera
par la suite le Kapitänleutnant Heino von Heimburg qui aura surtout
la charge et aussi la chance de ramener l'U 35 entier jusqu'à
Wilhelmshaven où il arrivera après l'Armistice. La petite cérémonie
qui marque cette passation de commandement est particulièrement
émouvante et Lothar dira lui-même que beaucoup avaient les larmes
aux yeux.
Au Germania Werft
de Kiel, l'U-139, l'un de ces
grands U-Kreuzer qui commencent à sortir des chantiers allemands
attend un Commandant. Ce sera von Arnauld et l'Etat-Major lui
accorde de pouvoir garder avec lui la moitié de son ancien équipage.
S.M.U-Kreuzer
U-139
"Kapitänleutnant
Schwieger"
|
18 Mai 1918,
Warnemünde
La Kronprinzessin
Victoria-Louise se
rend à bord de l'U-139 à l'occasion de l'entrée en service du sous-marin
sous le commandement de von Arnauld. |
A compter du
18 Mai, l'U-139 va effectuer sa période d'essais en bassin, en rade, au large de
Kiel puis dans la Baltique. La pesée suivie de la première plongée s'effectue
sur rade dès le 27 Mai cependant la mise au point de ces nouveaux sous-marins
notamment au niveau des diésels est délicate et ce n'est que début septembre que
le bateau est finalement paré pour sa première mission de guerre.
|
U-139 en
essais dans la Baltique à l'été 1918. On notera les dimensions imposantes du bâtiment
et les deux pièces de 150mm qui lui donnent une redoutable puissance de feu. |
Après avoir bien profité d'une longue permission, Lothar rejoint le
chantier Germania de Kiel pour suivre l'achèvement de l'U
139 son
futur sous-marin. Lancé depuis le 3 décembre 1917, le sous-marin n'a
pas encore de Commandant, celui-ci ne sera officiellement désigné
que le jour de son entrée en service.
U 139
fait donc partie de cette classe de croiseurs sous-marins, un bateau
qui n'a rien à voir avec son précédent. Long de 92 m., il a un
déplacement de 1930 t. en surface et près de 2500 en plongée.
L'armement est aussi sans commune mesure avec deux canons de 150 mm
et 6 tubes lance-torpilles (4 avant, 2 arrière) pour lesquels il
emporte 24 torpilles. Les deux moteurs diesel ont une puissance de
3300 CV et les deux moteurs électriques de 1780 CV ce qui lui
confére une vitesse de 15 nœuds en surface et 7 en plongée. Il peut
plonger à 75 mètres et son équipage de base est composé de 70 hommes
dont 7 Officiers.
La date d'entrée en service du sous-marin a été fixée au 18 mai ;
c'est le jour où von Arnauld en devient véritablement le Commandant
et pour que ce jour soit encore plus remarquable, le Kaiser a voulu
honorer von Arnauld en envoyant sa fille, la Prinzessin Viktoria
Luise pour présider la cérémonie et être la marraine du bateau.
A
compter du 18 Mai, l'U
139
commence sa période d'essais en bassin, sur rade, au large de Kiel
puis dans la Baltique. La pesée du bâtiment suivie de la première
plongée s'effectue sur rade dès le 27 Mai. Parallèlement, son
équipage s'exerce à la prise en main du sous-marin. Cependant dans
tous les domaines, la préparation technique est difficile tant les
difficultés sont nombreuses, notamment au niveau de la stabilité
lors de la plongée et ce n'est que début septembre que le bateau est
finalement prêt pour sa première mission de guerre.
Patrouille du 11 Septembre au 14
Novembre 1918
Appareillage de Kiel à destination de la côte nord-américaine avec
pour secteur d'opération la zone comprise entre le Cap Hatteras et
la latitude de Halifax. On remarquera l'évolution technologique de
l'arme sous-marine qui grâce à ses grands croiseurs est désormais en
mesure de porter la guerre au commerce maritime jusqu'au long des
côtes des USA. Pourtant, l'U
139
n'aura pas l'occasion d'aller jusque là. Du fait que le journal de
bord du sous-marin ait disparu après la guerre, il n'a pas été très
facile de reconstituer cette patrouille sauf pour l'essentiel grâce
en particulier au récit qu'en a fait Hans Fechter le chef
mécanicien. Dans un premier temps, von Arnauld rejoint l'Atlantique
Nord après avoir quitté l'Allemagne par la mer Baltique puis le
Kattegat. Il y a trop de mines mouillées en baie allemande pour
courir le risque d'un départ direct. De là, il contourne l'Ecosse,
l'Irlande et s'engage dans l'Atlantique où la chasse commence.
Le 22
Septembre, au NO de l'Irlande, U 139 doit faire face à une
très grosse tempête qui conduit von Arnauld à devoir transférer du
carburant dans certains ballasts afin de stabiliser le bateau et
éviter qu'il ne chavire. Le manque de stabilité de ces croiseurs
sous-marins déjà signalé auparavant était encore une fois démontré
en cette occasion. Le problème était surtout que le carburant
utilisé pour cette stabilisation ne pourrait plus être utilisé pour
les diésels ce qui ne permettrait pas au sous-marin de se rendre
comme prévu sur la côte américaine. Après contact radio avec
l'Etat-Major de la Flottille, il est décidé en commun accord qu'à la
place, l'U
139
opérera dans le secteur des Açores.
Aux environs du 22 septembre, le voilier espagnol de de 114 t.
España était porté disparu avec tout son équipage par le
Lloyd's. Cette perte a été créditée à von Arnauld mais en l'absence
de KTB et en se basant uniquement sur les dires des anciens de
l'équipage qui ont pu être interrogés par les historiens des années
après, il n'existe aucune certitude sur le fait que ce voilier ait
pu être coulé par le sous-marin surtout dans la tempête qui règnait
ces jours là. Il est beaucoup plus vraisemblable que l'España
aura été victime de la météo.
Le 1er octobre, von Arnauld rencontre à 150 milles dans
le nord ouest du Cap Villano, un gros convoi de 10 vapeurs escortés
par deux croiseurs auxilliaires et plusieurs chalutiers armés. Cette
rencontre devait être l'une des plus angoissantes que l'équipage
allait connaître mais laissons la parole à Lothar pour nous la
raconter.
"Le 1 Octobre après une traversée tempêtueuse, nous arrivions
au large du Golfe de Gascogne où nous allions vivre une aventure
comme jamais nous n'en avions connue auparavant. Nous avions repéré
un convoi de 10 vapeurs escortés par deux croiseurs et plusieurs
petits chasseurs de sous-marinss. Par le fait que mon bateau était
difficile à manœuvrer en plongée et que le convoi suivait une route
en zigzag, le convoi arriva juste au-dessus de nous au moment où je
tirai une torpille qui manqua son but et je me suis retrouvé au beau
milieu du convoi.
Dans cette situation, je ne pouvais pas tirer une nouvelle
torpille et j'ordonnai alors de faire surface pour attaquer au
canon. Le convoi était passé au-dessus de nous et faisait route
quand nous sommes arrivés en surface. A une distance de 5000 m. nous
avons ouvert le feu et reçu en retour un feu d'enfer qui levait des
gerbes d'eau de part et d'autre. Par chance aucun tir ne nous
toucha. Alors un croiseur mit le cap sur nous et je dus cesser de
canonner les vapeurs pour tourner mes canons vers ce croiseur avant
d'ordonner de plonger au plus vite. La mer avait à peine recouvert
le sous-marin qu'une formidable explosion se produisit contre le
kiosque. La dernière salve du croiseur nous avait touchés près du
kiosque, criblant celui-ci d'éclats pour autant sans gravité. Ne
nous voyant plus, le croiseur vira de bord et reprit sa route vers
le convoi.
J'étais fermement décidé à ne pas rompre l'engagement mais à
conduire une troisième attaque, celle-là étant mieux préparée. Il
était midi et il fallait songer au repas de l'équipage d'autant que
le convoi était à présent à la limite de l'horizon. Nous avons alors
fait surface pour reprendre la poursuite à pleine vitesse. Les
escorteurs qui nous avaient aperçus, se déployaient pour former
écran. Tout était prêt pour ouvrir le feu. Quarante hommes étaient
sur le pont à leur poste de combat autour des deux canons, prêts à
se précipiter à l'intérieur en cas de plongée d'urgence. A mon ordre
"Feu à volonté", le Kapitänleutnant Pistor, officier canonnier,
visait le vapeur le plus rapproché et très vite, mettait un coup au
but. Le vapeur sembla devenir incontrôlable. Perdant de la vitesse,
il débordait ses embarcations en signalant qu'il se rendait. "Nouvel
objectif le vapeur suivant ! Commencez le feu!" Après plusieurs
coups au but, il commença très vite à couler par l'arrière.
Les choses auraient pu continuer de la
sorte si l'un des croiseurs ne nous avait pas attaqué au canon ,
nous obligeant à engager un duel avec lui durant lequel nous
mettions plusieurs coups au but.
Il abandonna l'échange et mit rapidement le cap sur les deux vapeurs
précédemment touchés. De notre côté nous prenions la plongée pour
nous rapprocher. Comme j'observais les opérations de sauvetage je me
rendis compte que mon attaque n'était pas vraiment satisfaisante.
Bien que l'un des deux vapeurs coula durant l'intervention des
navires d'escorte, l'autre n'avait que peu de gite et je ne pouvais
pas le laisser ainsi en état de se faire remorquer d'autant que de
l'aide était en route depuis la côte française. Pareil à des
faucons, les petits navires d'escorte tournaient autour pour
m'empêcher d'engager une nouvelle attaque.
Cela faisait maintenant 10 heures que ce combat avait
commencé et il commençait à faire sombre. J'étais déterminé à donner
le coup de grâce au vapeur qui continuait à flotter car avec la nuit
il serait certainement sauvé et pris en remorque. Nous avons fait
surface pour nous rapprocher mais à chaque fois que nous arrivions à
portée de canon, la meute des chasseurs nous obligeait à plonger et
à présent il faisait nuit. Une partie de l'équipage était aux postes
de combat dans la machine, aux torpilles et moi dans le central,
l'autre partie dinait. Nous avons alors commencé l'approche finale.
On entendait des bruits d'hélice et nous sommes descendus plus
profond. Après qu'ils eurent cessé je suis remonté. Je hissais le
périscope ; devant moi se trouvait la muraille noire de la coque du
vapeur. et je donnais l'ordre de tir :
-Tube 1 ! Feu !
J'hésitais à descendre plus profond et je dis aux barreurs
dans le poste central :
- Rapprochez-vous, il ne va pas nous tomber dessus !
A cet instant se produisit une formidable détonation saluée
par les vivats de l'équipage. Coup au but ! Puis il y eut des
craquements et un bruit de râclement au-dessus de nous et soudain un
énorme choc. Le bateau se coucha lourdement sur tribord et la
lumière s'éteignit. L'eau commençait à rentrer par le kiosque,
lentement le bateau commençait à se redresser puis des grenades
sous-marines explosèrent autour de nous. Qu'un navire puisse couler
aussi rapidement était hautement improbable et il devait être déjà
bien rempli quand j'ai tiré ma dernière torpille.
La lumière revint et les pompes entrèrent en jeu.
L'indicateur de profondeur montrait que nous étions en train de
couler. Le volume d'eau pénétrant dans le kiosque par les
différentes fuites ainsi que par le panneau supérieur ne faisait
qu'augmenter tout comme le niveau d'eau dans le fut du périscope.
"Les pompes ne peuvent pas étaler !" signala Fechter, le Chef
Mécanicien depuis le poste central.
A l'évidence le vapeur nous entrainait avec lui et avec plus
de 1000 m de profondeur sous la quille c'était angoissant. Il n'y
avait qu'une solution, utiliser ce qui restait d'air comprimé pour
souffler les ballasts en espérant que cela suffirait à nous faire
remonter en surface pour y vendre chèrement notre peau. Au moins
quelques uns de mes hommes pourraient finir prisonniers. C'est alors
qu'il me vint une idée qui laissait un petit espoir. J'appelai
Fechter et lui dis que si on arrivait à revenir en surface avec ce
qu'il restait d'air sous pression, on pourrait alors plonger
aussitôt jusqu'à ce que le sommet du kiosque soit sous la surface de
quelques dizaines de centimètres et là on réfléchirait au moyen de
nous sortir de cette situation.
- Chassez partout, moteurs électriques en avant toute, barres
de plongée avant et arrière à monter ! Surface !
J'avais les yeux rivés sur l'indicateur de profondeur. Est-ce
que le sous-marin allait répondre ? Des secondes angoissantes
passaient alors que l'aiguille de l'indicateur restait sur 40
mètres. Soudain au-dessus de nos têtes se produisit un
extraordinaire grincement comme si quelque chose était en train de
se tordre dans le kiosque. Le bateau se coucha une fois encore sur
tribord et tout à coup, se libérant d'un seul coup il bondit vers la
surface comme un ballon. Les entrées d'eau diminuaient et tout le
monde retenait son souffle tandis que tout autour de nous
continuaient à exploser des grenades. Alors nous avons fait surface
puis le bateau s'est redressé. Finalement, les pompes fonctionnaient
à nouveau et compensaient les entrées d'eau. Les périscopes étaient
inutilisables, complètement tordus et couchés comme des fétus de
paille. Rampant sous la surface nous étions devenus aveugles, à la
merci d'un abordage par l'un des navires de l'escorte. Le temps
passait lentement et minute après minute, le grondement des grenades
sous-marines diminuait puis finit par s'éteindre. Une heure plus
tard nous faisions surface.
Dieu merci, la nuit était profonde. Rien n'était en vue
autour de nous excepté loin dans le sud où des projecteurs
balayaient toujours la mer à notre recherche. Nous avions maintenant
la possibilité d'examiner notre bateau en détail. La passerelle
était ravagée avec la trace d'un profond enfoncement causé à
l'évidence par l'étrave du vapeur et l'extérieur était labouré par
les éclats. Le panneau de kiosque était déformé et ne pouvait plus
être verrouillé mais le pire était que les trois périscopes étaient
irrémédiablement détruits. Ils étaient tellement courbés qu'ils
pendaient comme des asperges fanées.
Il me fallait répondre à une question angoissante. Comment
allais-je dans ces conditions ramener en Allemagne notre sous-marin
et son brave équipage ? Que ferions-nous si nous devions rencontrer
l'ennemi ? Avant tout, il nous fallait dormir et ensuite on
aviserait…"
Les deux vapeurs
coulés ce 1er octobre sont l'Anglais Bylands (3309
t.) et l'Ialien Manin (2691 t.), celui qui a bien failli
entrainer l'U
139 avec
lui par le fond. Le lendemain, la goélette portugaise Rio Cavado
(301 t.) est interceptée et sabordée avec une charge explosive. A
son bord on découvre un pot d'enduit dont les mécaniciens du
sous-marin tireront profit pour redonner un peu d'étanchéité au
kiosque permettant ainsi de plonger suffisamment pour disparaître de
la surface. Les jours suivants l'U
139 ne
rencontre aucune nouvelle proie. Près de deux semaines se sont
écoulées depuis l'attaque du convoi, deux semaines durant lesquelles
même en l'absence de ses périscopes, il peut toujours attaquer un
navire au canon et au besoin se dissimuler à quelques mètres sous la
surface sans se mettre en danger. De surcroît il y a à bord des
vivres en quantité suffisante pour tenir un bon moment. Sans ces
nouvelles inquiétantes que la radio retransmet quotidiennement, on
pourrait presque être détendu.
C'est le 14 octobre
à l'aube qu'apparaît un grand vapeur, peut-être un transport au vu
de sa coque camouflée. Il fait route au nord-ouest et il est escorté
par un chalutier armé. L'officier de quart fait prévenir von Arnauld
et rappelle l'équipage aux postes de combat. Quelques minutes plus
tard, à une distance de 8000 mètres, le sous-marin ouvre le feu avec
un coup de semonce tiré sur l'avant du vapeur.
Ce gros vapeur est
le paquebot portugais San Miguel en route de Funchal vers
Ponta Delgada aux Açores. A son bord environ 250 personnes, des
civils pour l'essentiel. L'escorte est assurée par Augusto de
Castilho (487 t.), un ancien chalutier à bord duquel deux canons
ont été montés.
Lothar aurait pu
s'attendre à ce que le transport s'arrête en réponse à son tir de
sommation mais bien au contraire, voici qu'il prend de la vitesse
avec l'intention évidente de fuir. Au deuxième coup de semonce, le
vapeur ne manifeste toujours aucun signe de reddition. Face à cette
réaction l'U
139
commence alors un tir de destruction qui encadre le navire. C'est
alors que le chalutier s'interpose entre le paquebot et le
sous-marin puis fonce sur lui en ouvrant le feu de ses petits canons
en limite de portée. La disproportion entre les deux adversaires est
telle que von Arnauld se demande où ce chalutier veut en venir. A ce
moment là, le chalutier déclenche ses fumigènes et entreprend de
tendre un écran de fumée entre le sous-marin et le San Miguel
qui échappe provisoirement à la vue et aux canons tout en forçant
l'allure au maximum de ses machines.
Et voici qu'à
présent, Augusto de Castilho fonce vers le sous-marin, comme
s'il cherchait à l'aborder tout en le gratifiant d'un feu nourri.
Force donc est de se détourner du paquebot pour faire face à ce
chalutier qui avec ses deux petits canons à l'air de vouloir lui
tenir tête. La manœuvre est hardie songe von Arnauld, hardie mais à
terme désespérée. Que peuvent ses petits canons de 47 contre les
gros 150 du sous-marin ? Pas grand-chose certes mais en attirant sur
lui le feu des Allemands, le Capitaine Carvalho qui jette
régulièrement un regard inquiet en direction du San Miguel
sait bien que chaque minute qui passe permet d'ajouter des milles et
des milles entre le sous-marin et le paquebot. Plus de deux heures
durant, le valeureux petit chalutier fait feu tout en changeant
fréquemment de cap pour désorganiser le tir de l'U
139. Et
cela marche ! Bientôt le paquebot n'est plus qu'un point à l'horizon
!
Soudain, coup sur
coup, deux obus de 150 atteignent le chalutier. Eu égard à la taille
du petit navire, les dégâts sont considérables et les victimes
nombreuses. Et voilà que le pavillon portugais du chalutier descend
le long du mât. Enfin il se rend songe Lothar… Mais s'il se rend
c'est parce que le Capitaine Carvalho vient d'être tué par le
dernier obus et surtout parce que Augusto de Castilho n'a
plus de munitions ! Lorsque les marins de l'équipe de prise prennent
pied sur le chalutier, ils y découvrent un spectacle terrifiant. De
haut en bas les superstructures sont ravagées et sur le pont il n'y
a plus que des blessés et des morts. A bord de l'U
139 il y
a un médecin et celui-ci va apporter tous les soins possibles aux
marins portugais afin que les survivants puissent tenir jusqu'à ce
qu'ils soient secourus. Quant à Lothar, des années après cet
évènement, il en fera une relation dans laquelle il dira tout le
respect que le Capitaine Carvalho lui a inspiré par son courage et
sa détermination. Plus tard encore, la famille du Capitaine Carvalho
et von Arnauld auront même l'occasion de se rencontrer, permettant à
Lothar de leur dire le respect qu'il avait pour ce héros qui l'avait
affronté dans ce combat sans merci. Ce jour là était celui de la
paix des braves !
Le Kapitänleutnant
von Arnauld et son équipage ne le savent pas encore mais ce furieux
combat va être le dernier qu'ils vont livrer dans cette guerre.
21 octobre 1918. A
une centaine de milles au Nord des Açores.
U 139
capte la station radio de Nauen qui diffuse à tous les U-Boote le
message suivant.
"
A tous les sous-marins. Retour immédiat en Allemagne. En raison des
négociations en cours, toute forme de guerre au commerce est
interdite. Au retour, les sous-marins peuvent attaquer les navires
de guerre ennemis seulement de jour"
Abasourdi, sans voix, les larmes aux yeux pour certains, l'équipage
de l'U
139
reçoit en pleine face la nouvelle dans toute sa brutalité. Ainsi,
ces rumeurs de défaite étaient bien réelles ! Certains voudraient
continuer le combat, se transformer en corsaires mais Lothar,
Officier irréprochable ne connaît que le chemin de l'obéissance.
Le chemin du retour jusqu'à Kiel a du être un long chemin de croix
car il va durer trois semaines entre la réception de ce message et
l'arrivée à Kiel. Il n'y a plus personne aujourd'hui pour raconter
ce que furent ces trois semaines et tous les documents officiels ont
été détruits. Tout au plus on croit savoir que l'U
139 une
fois arrivé en Baltique a fait escale à Sassnitz suite à une rumeur
infondée d'attaque alliée sur les ports allemands. C'est dans ce
contexte que l'ordre aurait été donné de détruire les documents de
bord dont le précieux KTB.
Le 14 novembre, après 64 jours de mer, alors que le drapeau rouge de
la Révolution flotte sur les ports de Kiel et de Hambourg entre les
mains des Comités de Marins, l'U
139
vient s'amarrer dans l'Arsenal.
Terminé pour le pont et la machine !
Arnauld de la
Perière totalise 194 navires coulés représentant environ 450 000 tonnes !
(voir la liste)
Lothar enfile des
vêtements civils, quitte le bord et disparaît. Il ne nous a laissé
aucun récit de ces derniers jours qui ont du être terribles.
Nous le retrouverons dans quelques semaines, engagé dans une
nouvelle guerre, celle-là au moins aussi cruelle que celle qui vient
de s'achever. Celle-là dans laquelle le peuple allemand va se battre
entre frères : la guerre civile !
Officiers de
l'U
139 (été 1918)
de g.à dr. OL
Sievers, Lt Gutjahr, OL de Terra, L.Ing Fechter, KL von Arnauld, KL Pistor, Dr.
Hölzel
|