Mai 1917
Lu Ma  Me  Je Ve Sa Di
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Le cargo MEUSE

 

Construit par Sunderland Ship Building Co, South Dock, Grande-Bretagne.  
Commencé : 1914
Mis à flot : 20.10.1914
Terminé : 11.1914
En service : 12.1914
Caractéristiques : 4 075 t ; 1480 cv : 114,3 x 15,9 m ; Machine à vapeur alternative à triple expansion
.

lancé sous le nom de Sunland pour le compte de Fred Drughorn, Ltd, London qui le cède en Déc. 1914 à la Compagnie de Navigation d’Orbigny de La Rochelle laquelle le renomme Meuse.

 

Le 14 Mai 1917, Meuse effectue une traversée New York – Le Havre avec 6800 tonnes de fret divers dont 2000 tonnes de fer. Il est commandé par le Capitaine au Long-Cours Charles Boivin un vétéran de la voile. A 22 heures 10, heure du bord, il est atteint par une première torpille lancée par le sous-marin U 48 puis par une seconde 30 minutes plus tard.

 

 

 

          Dans l’ouvrage de l’Amiral Spindler (Der Handelskrieg mit U-Booten), le résumé de cette patrouille du 6 au 29 Mai au cours de laquelle Meuse a été coulé (vol. IV p.88)

    U 48,  Kptlt  Edeling du 6 au 29.5.1917

   De Emden par les Orcades vers ouest et sud Irlande puis les Scilly. Retour par les Shetland. Emden

 6.5       Appareillage d'Emden

 12.5    Ouest Irlande, vapeur armé anglais San Onofre, 9717 t., coulé par une torpille lancée en plongée.

 13.5    A l’ouest de la pointe S de l’Irlande, coulé le vapeur anglais Jessmore, 3911 t., par une torpille lancée en plongée.

 14.5    Dans le même secteur par environ 51°27’N, 15°21’W, engagement au canon avec le bateau-piège anglais Carrigan Head, interrompu par le sous-marin en raisonde sa puissance de feu inférieure.

 15.5    Tôt dans la nuit, vapeur armé français Meuse, 4075 t.coulé par torpilles lancées en surface.

 17.5    Trois-mâts barque russe Margareta, 1873 t., stoppé et coulé

 21.5    Au Sud du Fastnet, trois-mâts barque russe Lynton, 2531 t. et trois-mâts barque norvégien Madura, 1023 t., stoppés et coulés. Route de retour suite à une fuite de gazole.

 29.5    Retour à Emden

  

 

Journal d’opérations de l’U 48 (Kriegstagebuch) 14-15 mai 1917

Vent NxW force 1 Mer force 1

Ciel en partie couvert. Brumeux

 

Après le coucher du soleil nous nous sommes rapprochés peu à peu pour une attaque de nuit.

Lorsque la nuit fut tombée, fait route en surface pour me placer en avant de lui en utilisant les moteurs électriques car dans cette nuit particulièrement calme, on aurait pu entendre les diésels. Le vapeur était difficile à repérer sur le fond sombre des nuages. Nous sommes venus rondement sur l’avant de sa route et nous avons viré pour un tir avec le tube de poupe.

Lancement par le tube V ( Torpille C 45/91 S.A.V, immersion 2 m. Distance 400 m).

 

Coup au but tout à fait à l’avant. Le vapeur émet un signal SOS en direction de Queenstown et donne son nom. Vapeur français Meuse de La Rochelle, Lloyds Register M.1096, 4075 tonnes.

 

Il s'arrête, met un canot à la mer et s’enfonce un peu par l’avant mais semble capable de rester à flot, puisqu’il se trouve dans la même situation 30 minutes après avec une grande partie de l'équipage à bord …(redoutant)… qu'il m'échappe dans l'obscurité avec ses machines encore intactes ou qu’il soit aperçu par des escorteurs, lancement d’une seconde torpille. Tir avec le tube d’étrave III. (Torpille C/03 immersion 2 mètres)

Coup au but en plein milieu du vapeur qui se casse en deux et coule en quelques secondes avec la proue et la poupe fortement inclinées.

 

Cap au 180

Cap au 135

 

Etant donné que la nuit précédente n’a pas été fructueuse dans le nord, je descends plus dans le sud aujourd’hui.

 

                                                                       Signé : Edeling

 

 

 

Enquête sur les circonstances de la perte de Meuse - Extraits du dossier SS G  40 / 4998 SHD Vincennes

 

A chaque fois qu’un navire était attaqué par un sous-marin, il était établi par les Marines Alliées un rapport complèté par un Officier enquêteur en cas de perte du navire. Ci-dessous, l’essentiel de ce que contient le dossier Meuse. Le dossier complet est consultable au Service Historique de la Défense au fort de Vincennes.

 

Récit du naufrage fait par l’officier enquêteur
 
« 14 Mai 1917. Le vapeur MEUSE faisait route au 065 vrai et venait de faire son point à 15h00 qui le situait à 51°15N et 16°00 W. C’est alors qu’il reçoit un message d’un vapeur engagé par un sous-marin et qui demande du secours. Presque aussitôt, il aperçoit un grand vapeur qui va jouer un rôle important dans la suite des évènements.
 
Il convient de noter que le télégraphiste Leroy prévient aussitôt le capitaine que ce vapeur ne peut être celui qui demande du secours. L’émission hertzienne accuse en effet une distance d’au moins 50 milles alors que ce navire est tout proche. De plus, quand les deux navires ne sont plus qu’à 1800 m de distance, sa silhouette paraît fort suspecte. Toiles masquant spardeck, dunette et gaillard. Canons de gros calibre de chaque bord, sous la passerelle, aperçus après son tir, alors qu’il remettait les toiles en place.
 
Pourtant, sans aucune méfiance, le capitaine Boivin fit route sur le vapeur qui tirait des coups de canon sur un objectif difficile à identifier. Sur le MEUSE, on était aux postes de combat, cherchant le sous-marin.
Le capitaine crût voir le périscope et fit ouvrir le feu avec la pièce de 90 mm avant sur un objectif situé à 500 m sur bâbord. Puis il changea d’objectif et fit tirer sur le point que semblait viser le vapeur. Il s’agissait en l’espèce d’une épave de carcasse de navire. Il fit cesser le feu en s’apercevant de la méprise. L’objectif était un morceau de bois flottant.
 
MEUSE était alors à 1500 m du vapeur suspect et l’échange des signaux suivants eût lieu entre les deux navires entre 17h00 et 18h30 :
 
Vapeur :    
- J’ai une voie d’eau
- Suivez-moi
- Quelle est votre nationalité ?
MEUSE Hisse ses couleurs et le numéro du code
- Quelle est votre nationalité ?
Vapeur ne répond pas à la question sur la nationalité
- Faites route au nord
- Reprenez votre cap quand vous serez par 52°00 nord
 
Puis le vapeur vint sur tribord et s’éloigna dans l’ouest, vers un navire qu’on apercevait à l’horizon à environ 9 milles. Bien que ces signaux soient pour le moins bizarres, l’ordre impératif de faire route au nord fait penser au capitaine Boivin qu’il s’agit d’un patrouilleur anglais et il obéit.
A 22h10, il arrive au point 52° nord et s’apprête à reprendre sa route au NNE lorsqu’une torpille le frappe à tribord. Elle provient d’un sous-marin que nous appellerons SM 1.
Le canonnier Le Bigot, de faction au 90 avant voit nettement le sillage blanchâtre de la torpille. L’explosion est très violente. Le canon est renversé, mais le canonnier a la chance de ne pas être blessé, bien que projeté au loin. MEUSE apique rapidement de l’avant. Le capitaine ordonne aussitôt l’abandon.
 
Les deux baleinières sont mises à l’eau.
Dans le canot tribord se trouve le lieutenant Boucard, mais il manque l’effectif réglementaire et notamment le capitaine, le chef mécanicien et le garçon. En revanche, deux hommes ne faisant par partie de l’armement s’y trouvent, le chauffeur Fatou et le cuisinier Clotilde. La bosse est pourtant coupée et MEUSE, ayant un peu d’erre, s’éloigne du canot. C’est alors que le 3e mécanicien, qui remonte de la machine après avoir fermé les registres, se jette à la mer, nage jusqu’au canot et est récupéré. Il y a en tout 21 hommes à bord de cette baleinière.
 
A ce moment, depuis la passerelle le capitaine crie à l’embarcation bâbord, qui est restée accostée le long du bord : « Ralliez, la MEUSE ne coule pas »
L’embarcation tribord, du lieutenant Boucard, est à environ 400 m sur l’arrière quand elle voit soudain surgir un sous-marin entre elle et MEUSE, que nous appellerons SM 2. Il fait une évolution conforme au croquis ci-joint (nota : croquis manquant, mais l’évolution le fait venir sur tribord du cargo)et lance une torpille. Les hommes dans le canot entendent une double explosion suivie d’une colonne de vapeur qui s’élève (nota : la 2e explosion doit être celle des chaudières) Tandis que le sous-marin n°2 lançait sa torpille par Td, les hommes voient aussi un autre sous-marin passer en demi-plongée sur l’avant du MEUSE. Deux sous-marins ont donc été vus simultanément. Il semblerait que ce soit le n° 1 qui ait lancé la 1ère torpille. Le n° 1 était de couleur grise, le n° 2 plutôt brun-rouge.
Mr. Boucard est le seul à voir nettement le navire disparaître, car la nuit tombe complètement. Des cris de détresse sont entendus, mais ne voyant rien, le canot met cap à l’Est.
Après la 2e explosion, le sous-marin n°2 a fait surface puis s’est éloigné dans la nuit, d’autant plus rapidement qu’un grain a accentué l’obscurité.
 
23h00. Brise fraîche de SE. La baleinière hisse la voile et gouverne au plus près au NE.  
 
- 15/05 Parcouru 130 milles
- 16/05 Parcouru   36 milles  Vent tournant au NE. Changé d’amures.
- 17/05 Parcouru   74 milles
- 18/05 Parcouru   70 milles
- 19/05 Parcouru   46 milles
- 20/05 Parcouru   70 milles
- 21/05 Parcouru  110 milles
- 22/05 Parcouru    50 milles  soit un total d’environ  586 milles
                   
Le 16 vers 16h00, aperçu des débris flottants et des cadavres. L’un d’eux portait une casquette plate et des vêtements noirs, comme ceux que portent les marins anglais ou norvégiens. La mer grosse n’a pas permis de pousser plus loin les investigations.
Dans les intervalles de calme, les hommes ont progressé à l’aviron.
A son départ du bord, l’embarcation avait 300 galettes de biscuit et 5 boites d’endaubage de 5 kg chacune. Il a donc fallu rationner ces vivres. La ration a été d’un demi biscuit et d’un demi quart d’eau par homme et par jour. Les hommes ont eu à souffrir énormément de la faim et de la soif pendant huit jours consécutifs en mer. Plusieurs d’entre eux furent contraints de boire de l’eau de mer et même leur urine.
Le lieutenant Boucard et le matelot Lorec ont tenu la barre alternativement 12 heures par jour chacun.
 
Le 22 Mai à 19h00, l’embarcation a fait côte à Glenlough (Irlande). Les naufragés se sont réfugiés dans une ferme au sommet de la falaise où ils ont passé la nuit. Presque tous avaient les pieds gelés. Les autorités, prévenues, sont venues les chercher au matin et les ont conduits en voiture à Killybegs où ils furent soignés à la mission protestante de William Goodall, qu’il conviendrait de remercier. Le premier rapport du lieutenant Boucard a été fait au représentant de l’Amirauté à Killybegs. »
 


Cette côte rocheuse du Donegal, d’une beauté sauvage, est battue par la houle de l’Atlantique et les vagues s’y brisent avec violence. L’abord en est particulièrement difficile. C'est sur cette même côte qu'en Août 1588 firent naufrage nombre de vaisseaux de l’Invincible Armada..
 
 

 Les parages de Glenlough où le canot du Lieutenant Boucard a fait terre. Si la mer avait été mauvaise ce jour là, ils n’auraient eu guère de chances d’en réchapper.

 

Conclusions de la commission d’enquête et responsabilités
 
Ce rapport laisse les enquêteurs extrêmement perplexes car c’est de toute évidence la première fois que l’on assiste à un tel torpillage. Il semblerait qu’un navire ait servi de « rabatteur », envoyant le cargo vers un piège mortel…
 
Le capitaine Boivin
 
Le capitaine ayant disparu, il est difficile de comprendre pourquoi il a obéi comme il l’a fait aux ordres d’un bateau suspect. L’officier mécanicien Le Douarec déclare que le radiotélégraphiste a été très affirmatif : le radio reçu vers 15h00 n’émanait sûrement pas du navire suspect à cause de la distance à laquelle il se trouvait. Il avait conçu des doutes sur la nationalité de ce vapeur. Les signaux étaient vraiment bizarres, la manœuvre peu franche, difficilement explicable. La plupart des hommes de la baleinière avaient aussi des doutes.
Quoi qu’il en soit, comme il n’était pas prouvé que ce navire fut un corsaire, le capitaine est en partie excusable de lui avoir obéi.
Mais il ne devait pas régner une discipline très stricte à bord du MEUSE. Les survivants sont unanimes à déclarer qu’après l’explosion de la première torpille, l’ordre donné par le capitaine ne fut pas « Postes d’abandon », mais « Sauve qui peut » qui n’est pas l’ordre donné régulièrement. (Cela explique un certain désordre dans les canots).
 
Le lieutenant Boucard
 
Mr. Boucard s’est rendu nettement fautif en ne cherchant pas à retrouver sur les lieux des survivants. Quand la bosse fut coupée, tous les mouvements effectués ont tendu a écarter le canot du lieu du sinistre. La faute est d’autant plus nette que manquaient trois hommes de l’armement réglementaire, à savoir capitaine, chef mécanicien et garçon. Le devoir de Mr Boucard eût été d’attendre l’aube sur place pour rechercher des survivants s’il y en avait eu.
 
Mr Boucard a commis une autre faute au point de vue navigation. Il s’est toujours tenu cap au nord de la route fréquentée par les navires. Le courant portant au nord a accentué cette manœuvre au point qu’il s’en est fallu de peu qu’il ne manque l’Irlande, ce qui eût été la perte certaine de ses passagers. Il a l’excuse de vents variables qui l’ont gêné, mais quand on lui demande « Quelle route auriez-vous suivie s’il y avait eu des vents d’ouest ?", il répond invariablement ENE, invoquant comme raison qu’il ne voulait pas rencontrer un autre sous-marin. Il a totalement manqué de jugement préférant naviguer dans une zone où il était sûr de ne rencontrer aucun navire au risque, bien improbable, de voir une embarcation de sauvetage chargée de naufragés être attaquée par un sous-marin.
 
En revanche, la conduite de Mr Boucard est digne d’éloge en tous points à partir du moment où il a eu à lutter contre l’élément marin, à maintenir le moral de son équipage, à organiser un rationnement avec beaucoup de clairvoyance. En somme, se trouvant dans un très mauvais cas, il s’en est tiré de façon heureuse.  
 
Quoi qu’il en soit, la commission estime que Mr Boucard mérite un blâme sévère pour n’avoir pas cherché par tous les moyens possibles à secourir ses compagnons engloutis et pour n’avoir pas rallié la route fréquentée.

 

Remarques du webmaster : Contrairement à ce que pensent avoir vu les rescapés, il n'y a eu qu'un seul sous-marin engagé dans cette action. Les jugements portés sur les hommes sont le reflet de l'opinion de l'officier enquêteur.

 

Les heures précédant le torpillage de Meuse

Nous savons à présent que dans les heures précédant son torpillage, Meuse a connu un engagement au canon avec un sous-marin en compagnie d’un autre vapeur, celui justement qualifié de suspect dans le compte rendu d’enquête ci-dessus.

La recherche dans les archives de la guerre sous-marine a permis depuis d’identifier l’étrange navire. Il s’agit en fait de l’anglais Carrigan Head, un bateau-piège (Q-Ship en anglais). Avant de poursuivre, il faut préciser ce qu’étaient ces Q-Ships. Face à la menace que représentait les sous-marins allemands et compte tenu du fait que pour respecter les règles d’arraisonnement des navires, les équipages d’U-Boot devaient avant toute action s’assurer de la nationalité et du chargement du navire intercepté, les Alliés avaient conçu cette arme qu’était le bateau-piège. Le mode opératoire était le suivant : le bateau-piège loin de fuir le contact avec les U-Boote, au contraire, le recherchait. Une fois le vapeur sommé de s’arrêter pour contrôle par le sous-marin, il suffisait de laisser celui-ci se rapprocher suffisamment du navire pour une fois à courte distance, démasquer brutalement sa véritable nature et ouvrir le feu à bout portant avec les pièces d’artillerie masquées. Bien entendu, le procédé était bien rôdé ; à bord du vapeur on simulait une évacuation désordonnée pour rendre encore plus crédible le caractère de paisible marchand tandis qu’une équipe de canonniers cachés à bord s’apprêtait à démasquer ses canons pour ouvrir le feu dès que le sous-marin serait parvenu à la meilleure distance de tir. Plus d’une fois le piège a fonctionné et plusieurs U-Boot ont ainsi été coulés. Malheureusement, cette nouvelle escalade dans la lutte allait rapidement entraîner une autre escalade du côté de l’adversaire et désormais, de plus en plus souvent, les sous-marins pour échapper à ce risque torpillaient sans avertissement.

Pas étonnant donc vu la mission très particulière du Carrigan Head qu’il se soit montré très évasif, ne tenant pas à l’évidence à dévoiler sa véritable nature, a fortiori à un navire (Meuse) dont il ignorait tout ou presque.

En mettant en perspective les documents actuellement à notre disposition, on peut reconstituer le film des évènements comme suit :

Tout d’abord il y a cet appel au secours émanant d’un vapeur non identifié et qui selon l’opérateur radio de Meuse qui l’a reçu, doit se situer à plusieurs dizaines de milles de là. C’est vraisemblable mais faute d’avoir un nom, il n’est pas possible de recouper cette information. On ne peut cependant pas affirmer qu’il ne provient pas du Carrigan Head ; ce message de détresse étant dans ce cas destiné à conforter le sous-marin dans son idée qu’il a affaire à un inoffensif vapeur marchand. Mais commençons par le moment où le Carrigan Head est repéré par le sous-marin. Le Commandant Edeling écrit dans son journal d’opération (KTB) :

 

In 130° Dampfer in Sicht mit ungefähr 270° Kurs

Getaucht, Bugangriff angesetzt. Schwarzer Dampfer mit weißen Brückenaufbau und roten Schornstein mit schwärrer Kappe, 2 Masten, ungefähr 6000 t. Steuert Zickzackkurse…

        

Un vapeur est repéré dans l’azimut 130 alors qu’il fait route à un cap moyen de 270° en suivant une route en zigzag dans le but de rendre plus difficile le tir d’une torpille. L’U 48 plonge et fait route en direction de ce navire tout en l’observant au périscope. Edeling remarque qu’il s’agit d’un vapeur d’environ 6000 tonnes à coque noire avec des superstructures blanches, deux mâts et une cheminée rouge. Prudent, il examine attentivement ce navire, cherchant à y déceler d’éventuels signes d’un bateau-piège. Après les pertes subies dans ce genre d’attaque, les Allemands sont méfiants.  

Da keine Armierung zu erkennen, außerdem Kurs des Dampfers auslaufend und Wetter für Artilleriegefecht und Verfolgung günstig, aufgetaucht…

 L’examen visuel est en apparence concluant, ce vapeur n’a pas l’air d’être armé. Le temps est beau et se prète à une attaque au canon. U 48 s’éloigne et fait surface à une distance d’environ 8000 mètres. Les servants de l’artillerie se rendent à leur poste de combat et un tir de semonce est effectué en direction du vapeur.

Celui-ci ne répond pas. Graduellement, U 48 se rapproche pour renouveler son tir de semonce quand soudain alors que la distance est tombée à 7500 m., le vapeur dévoile sa véritable nature et ouvre aussitôt un feu nourri sur le sous-marin. 

Dampfer eröffnet plötzlich Feuer aus 2 leichten und einen schweren Geschütz / Anscheinend 2-7 cm und 1-10 oder 12 cm)…

 Edeling constate d’après les gerbes faites par les obus que le vapeur tire avec 2 pièces d’un calibre d’environ 70mm et une plus grosse de 100 à 120mm. Aucun doute n’est plus permis, avec un tel armement, il s’agit d’un bateau-piège. Le Carrigan Head intensifie son feu et les salves suivantes se font plus précises encadrant dangereusement le sous-marin. Le combat est inégal, U 48 vire de bord rapidement et s’éloigne.

 In der Nähe des aufgegebenen Dampfers ein anderer einlaufender Dampfer in Sicht...

 Dans les parages du Q-Ship, un second vapeur est à présent en vue. Cette fois c’est de Meuse dont il s’agit. Apparemment, remarque-t-il, ce vapeur est en relation avec le premier et lui aussi tire. Les deux navires suivent une route en zigzag vers l’ouest puis le second vire de bord vers le Nord sans doute pour s’échapper à la faveur de la nuit tombante. Celui-ci étant le premier à sa portée, Edeling le prend en chasse et maintient le contact à distance…

 Ich muß mich also mit den einen, der mir kaum noch entgehen kann, begnügen…

 La chasse est alors engagée et comme nous l’avons vu précédemment, le destin de Meuse est désormais scellé. U 48 va passer sur son avant à la faveur de l’obscurité et se placer en bonne position pour lancer une torpille…

 Faute d’avoir eu à ce stade accès aux archives anglaises, il n’est pas possible de situer plus précisément l’action du Carrigan Head mais la seule connaissance des éléments disponibles côté français comme côté allemand permet de reconstituer avec précision ce que furent les dernière heures de Meuse.

  Pour l'anecdote, il est curieux de constater que le cap de Carrigan Head, nom porté par le Q-Ship de cette affaire se situe à quelques milles de l’endroit où le canot des rescapés a fait terre dans le Comté de Donegal

  

 

 

     Le sous-marin U 48

 

Classe Mittel U – Sous-type U 43

  

 

Déplacement (tonnes sf/sm)  725 / 940

Longueur  65m (ht) – 52m50 (ce)

Largeur  6m20 – 4m20 (ce)

Hauteur 8m70

Tirant d’eau 3m75

Profondeur certifiée  50 m.

Propulsion :

2 Diesels   2400 CV

2 Electriques  1200 CV

Autonomie :

Surface  9400 nm à 8 nds

Plongée  55 nm à 5 nds

Vitesse max. (noeuds sf/sm) 16.4 / 9.7

Armement

6 TLT - 4AV, 2AR (6 torpilles)

A l’origine 1 canon 88 mm armé à 276 coups puis par la suite 1 x 105mm et 1 x 88mm

 

Equipage 4 off. 32 homme

sf/sm = surface / plongée  -  ht= hors tout  -  ce = coque épaisse

 

 

         La fin de l’U 48

 

U 48 avait appareillé d’Emden le 22 Novembre 1917 pour une patrouille au large de l’entrée occidentale de la Manche. Quand il pénétra dans le Pas de Calais, le Kapitänleutnant Edeling décida d’attendre que la lune soit couchée pour traverser le barrage de mines Douvres-Dunkerque en surface. Pendant cette attente, le fort courant de marée dépala le sous-marin en direction de l’ouest du banc de Goodwin Sands et à 4 h 30 du matin, à marée haute, U 48 s’échouait à environ 2 milles dans l’ENE du bateau-feu de Gull. A l’aube, il était repéré par une patrouille britannique.

Plusieurs chalutiers armés conduits par le destroyer HMS Gypsy  ouvraient alors un feu nourri sur lui auquel le sous-marin ripostait mais sa résistance était vaine. Le Commandant Edeling ordonna alors de saborder le bateau en faisant détoner des explosifs dans le compartiment torpilles avant et arrière après évacuation de son équipage. Le feu anglais se poursuivit pendant cette évacuation, tuant Edeling et 18 de ses hommes.

 

Rapport de l’Oberleutnant zur See Erhard-Friedrich Maertens, Officier en Second de l’U 48

Nous nous sommes échoués à marée haute sur Goodwind Sands et peu après, la mer commença à descendre. Nous avons essayé d’alléger le bateau en jetant les munitions à la mer et en chassant aux ballasts mais cette tentative échoua.

A l’aube, nous apercevions plusieurs chalutiers armés accompagnés par un destroyer d’un modèle ancien. U 48 ouvrait le feu avec la canon avant de 105mm tandis que l’on se préparait à saborder le sous-marin. Malgré la faible distance et la stabilité du sous-marin échoué, notre tir n’était pas précis et nous recevions alors plusieurs coups au but. Le canon se trouva détruit, le commandant et le chef de pièce tués, les servants gravement blessés.

J’avais pour mission de préparer les charges de sabordage. Je fis relier ensemble la tête de 4 torpilles à l’avant, de 3 autres à l’arrière et placer des explosifs dans le poste central. Après que le canon avant ait été touché, l’équipage commença à se jeter à l’eau et j’amorçai les charges explosives. Quand l’équipage a commencé à évacuer, les Anglais ont cessé le feu un moment puis l’ont repris avec des mitrailleuses et des fusils contre les hommes à la mer. C’est à ce moment là qu’il y a eu le plus de victimes. Quand le feu a cessé nous avons été faits prisonniers, nous n’étions plus que 17.

 

          Kapitänleutnant Karl Edeling (voir sa fiche)