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Le cargo MEUSE
Construit par Sunderland
Ship Building Co, South Dock, Grande-Bretagne.
Commencé : 1914
Mis à flot : 20.10.1914
Terminé : 11.1914
En service : 12.1914
Caractéristiques : 4 075 t ; 1480 cv : 114,3 x 15,9 m ;
Machine à vapeur alternative à triple expansion.
lancé sous le nom de
Sunland
pour le compte de Fred Drughorn, Ltd, London qui le cède
en
Déc. 1914 à la Compagnie de Navigation
d’Orbigny de La Rochelle laquelle le renomme
Meuse.
Le 14 Mai 1917,
Meuse effectue une traversée New York – Le Havre
avec 6800 tonnes de fret divers dont 2000 tonnes de fer.
Il est commandé par le Capitaine au Long-Cours Charles
Boivin un vétéran de la voile. A 22 heures 10, heure du bord, il est atteint
par une première torpille lancée par le sous-marin U
48 puis par une seconde 30 minutes plus tard.
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Dans l’ouvrage de l’Amiral Spindler (Der Handelskrieg mit
U-Booten), le résumé de cette patrouille du 6 au 29 Mai au cours
de laquelle Meuse a été coulé (vol. IV p.88)
U 48, Kptlt Edeling du 6 au
29.5.1917
De Emden par les Orcades vers ouest
et sud Irlande puis les Scilly. Retour par les Shetland. Emden
6.5
Appareillage d'Emden
12.5 Ouest Irlande, vapeur
armé anglais San Onofre, 9717 t., coulé par une torpille
lancée en plongée.
13.5 A l’ouest de la pointe S
de l’Irlande, coulé le vapeur anglais Jessmore, 3911 t., par
une torpille lancée en plongée.
14.5 Dans le même secteur par
environ 51°27’N, 15°21’W, engagement au canon avec le bateau-piège
anglais Carrigan Head, interrompu par le sous-marin en
raisonde sa puissance de feu inférieure.
15.5 Tôt dans la nuit, vapeur
armé français Meuse, 4075 t.coulé par torpilles lancées en
surface.
17.5 Trois-mâts barque russe
Margareta, 1873 t., stoppé et coulé
21.5 Au Sud du Fastnet,
trois-mâts barque russe Lynton, 2531 t. et trois-mâts barque
norvégien Madura, 1023 t., stoppés et coulés. Route de retour
suite à une fuite de gazole.
29.5
Retour à Emden
Journal d’opérations de l’U
48 (Kriegstagebuch) 14-15 mai 1917
Vent NxW force 1 Mer
force 1
Ciel en partie couvert.
Brumeux
Après le coucher du
soleil nous nous sommes rapprochés peu à peu pour une
attaque de nuit.
Lorsque la nuit fut
tombée, fait route en surface pour me placer en avant de
lui en utilisant les moteurs électriques car dans cette
nuit particulièrement calme, on aurait pu entendre les
diésels. Le vapeur était difficile à repérer sur le fond
sombre des nuages. Nous sommes venus rondement sur
l’avant de sa route et nous avons viré pour un tir avec
le tube de poupe.
Lancement par le tube V
( Torpille C 45/91 S.A.V, immersion 2 m. Distance 400
m).
Coup au but tout à fait
à l’avant. Le vapeur émet un signal SOS en direction de
Queenstown et donne son nom. Vapeur français Meuse
de La Rochelle, Lloyds Register M.1096, 4075 tonnes.
Il s'arrête, met un
canot à la mer et s’enfonce un peu par l’avant mais
semble capable de rester à flot, puisqu’il se trouve
dans la même situation 30 minutes après avec une grande
partie de l'équipage à bord …(redoutant)… qu'il
m'échappe dans l'obscurité avec ses machines encore
intactes ou qu’il soit aperçu par des escorteurs,
lancement d’une seconde torpille. Tir avec le tube
d’étrave III. (Torpille C/03 immersion 2 mètres)
Coup au but en plein
milieu du vapeur qui se casse en deux et coule en
quelques secondes avec la proue et la poupe fortement
inclinées.
Cap au 180
Cap au 135
Etant donné que la nuit
précédente n’a pas été fructueuse dans le nord, je
descends plus dans le sud aujourd’hui.
Signé : Edeling
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Enquête sur les circonstances de la
perte de Meuse - Extraits du dossier SS G 40 / 4998 SHD Vincennes
A chaque fois qu’un navire était
attaqué par un sous-marin, il était établi par les Marines Alliées
un rapport complèté par un Officier enquêteur en cas de perte du
navire. Ci-dessous, l’essentiel de ce que contient le dossier
Meuse.
Le dossier complet est consultable au Service Historique de la
Défense au fort de Vincennes.
Récit du naufrage fait par l’officier
enquêteur
« 14 Mai 1917. Le vapeur MEUSE faisait route au 065 vrai et
venait de faire son point à 15h00 qui le situait à 51°15N et 16°00
W. C’est alors qu’il reçoit un message d’un vapeur engagé par un
sous-marin et qui demande du secours. Presque aussitôt, il aperçoit
un grand vapeur qui va jouer un rôle important dans la suite des
évènements.
Il convient de noter que le télégraphiste Leroy prévient aussitôt le
capitaine que ce vapeur ne peut être celui qui demande du secours.
L’émission hertzienne accuse en effet une distance d’au moins 50
milles alors que ce navire est tout proche. De plus, quand les deux
navires ne sont plus qu’à 1800 m de distance, sa silhouette paraît
fort suspecte. Toiles masquant spardeck, dunette et gaillard. Canons
de gros calibre de chaque bord, sous la passerelle, aperçus après
son tir, alors qu’il remettait les toiles en place.
Pourtant, sans aucune méfiance, le capitaine Boivin fit route sur le
vapeur qui tirait des coups de canon sur un objectif difficile à
identifier. Sur le MEUSE, on était aux postes de combat,
cherchant le sous-marin.
Le capitaine crût voir le périscope et fit ouvrir le feu avec la
pièce de 90 mm avant sur un objectif situé à 500 m sur bâbord. Puis
il changea d’objectif et fit tirer sur le point que semblait viser
le vapeur. Il s’agissait en l’espèce d’une épave de carcasse de
navire. Il fit cesser le feu en s’apercevant de la méprise.
L’objectif était un morceau de bois flottant.
MEUSE était alors à 1500 m du vapeur suspect et l’échange des
signaux suivants eût lieu entre les deux navires entre 17h00 et
18h30 :
Vapeur :
- J’ai une voie d’eau
- Suivez-moi
- Quelle est votre nationalité ?
MEUSE Hisse ses couleurs et le numéro du code
- Quelle est votre nationalité ?
Vapeur ne répond pas à la question sur la nationalité
- Faites route au nord
- Reprenez votre cap quand vous serez par 52°00 nord
Puis le vapeur vint sur tribord et s’éloigna dans l’ouest, vers un
navire qu’on apercevait à l’horizon à environ 9 milles. Bien que ces
signaux soient pour le moins bizarres, l’ordre impératif de faire
route au nord fait penser au capitaine Boivin qu’il s’agit d’un
patrouilleur anglais et il obéit.
A 22h10, il arrive au point 52° nord et s’apprête à reprendre sa
route au NNE lorsqu’une torpille le frappe à tribord. Elle provient
d’un sous-marin que nous appellerons SM 1.
Le canonnier Le Bigot, de faction au 90 avant voit nettement le
sillage blanchâtre de la torpille. L’explosion est très violente. Le
canon est renversé, mais le canonnier a la chance de ne pas être
blessé, bien que projeté au loin. MEUSE apique rapidement de
l’avant. Le capitaine ordonne aussitôt l’abandon.
Les deux baleinières sont mises à l’eau.
Dans le canot tribord se trouve le lieutenant Boucard, mais il
manque l’effectif réglementaire et notamment le capitaine, le chef
mécanicien et le garçon. En revanche, deux hommes ne faisant par
partie de l’armement s’y trouvent, le chauffeur Fatou et le
cuisinier Clotilde. La bosse est pourtant coupée et MEUSE,
ayant un peu d’erre, s’éloigne du canot. C’est alors que le 3e
mécanicien, qui remonte de la machine après avoir fermé les
registres, se jette à la mer, nage jusqu’au canot et est récupéré.
Il y a en tout 21 hommes à bord de cette baleinière.
A ce moment, depuis la passerelle le capitaine crie à l’embarcation
bâbord, qui est restée accostée le long du bord : « Ralliez, la
MEUSE ne coule pas »
L’embarcation tribord, du lieutenant Boucard, est à environ 400 m
sur l’arrière quand elle voit soudain surgir un sous-marin entre
elle et MEUSE, que nous appellerons SM 2. Il fait une
évolution conforme au croquis ci-joint (nota : croquis manquant,
mais l’évolution le fait venir sur tribord du cargo)et lance une
torpille. Les hommes dans le canot entendent une double explosion
suivie d’une colonne de vapeur qui s’élève (nota : la 2e explosion
doit être celle des chaudières) Tandis que le sous-marin n°2 lançait
sa torpille par Td, les hommes voient aussi un autre sous-marin
passer en demi-plongée sur l’avant du MEUSE. Deux sous-marins
ont donc été vus simultanément. Il semblerait que ce soit le n° 1
qui ait lancé la 1ère torpille. Le n° 1 était de couleur grise, le
n° 2 plutôt brun-rouge.
Mr. Boucard est le seul à voir nettement le navire disparaître, car
la nuit tombe complètement. Des cris de détresse sont entendus, mais
ne voyant rien, le canot met cap à l’Est.
Après la 2e explosion, le sous-marin n°2 a fait surface puis s’est
éloigné dans la nuit, d’autant plus rapidement qu’un grain a
accentué l’obscurité.
23h00. Brise fraîche de SE. La baleinière hisse la voile et gouverne
au plus près au NE.
- 15/05 Parcouru 130 milles
- 16/05 Parcouru 36 milles Vent tournant au NE. Changé d’amures.
- 17/05 Parcouru 74 milles
- 18/05 Parcouru 70 milles
- 19/05 Parcouru 46 milles
- 20/05 Parcouru 70 milles
- 21/05 Parcouru 110 milles
- 22/05 Parcouru 50 milles soit un total d’environ 586 milles
Le 16 vers 16h00, aperçu des débris flottants et des cadavres. L’un
d’eux portait une casquette plate et des vêtements noirs, comme ceux
que portent les marins anglais ou norvégiens. La mer grosse n’a pas
permis de pousser plus loin les investigations.
Dans les intervalles de calme, les hommes ont progressé à l’aviron.
A son départ du bord, l’embarcation avait 300 galettes de biscuit et
5 boites d’endaubage de 5 kg chacune. Il a donc fallu rationner ces
vivres. La ration a été d’un demi biscuit et d’un demi quart d’eau
par homme et par jour. Les hommes ont eu à souffrir énormément de la
faim et de la soif pendant huit jours consécutifs en mer. Plusieurs
d’entre eux furent contraints de boire de l’eau de mer et même leur
urine.
Le lieutenant Boucard et le matelot Lorec ont tenu la barre
alternativement 12 heures par jour chacun.
Le 22 Mai à 19h00, l’embarcation a fait côte à Glenlough (Irlande).
Les naufragés se sont réfugiés dans une ferme au sommet de la
falaise où ils ont passé la nuit. Presque tous avaient les pieds
gelés. Les autorités, prévenues, sont venues les chercher au matin
et les ont conduits en voiture à Killybegs où ils furent soignés à
la mission protestante de William Goodall, qu’il conviendrait de
remercier. Le premier rapport du lieutenant Boucard a été fait au
représentant de l’Amirauté à Killybegs. »
Cette côte rocheuse du Donegal, d’une beauté
sauvage, est battue par la houle de l’Atlantique et les vagues s’y
brisent avec violence. L’abord en est particulièrement difficile.
C'est sur cette même côte qu'en Août 1588 firent naufrage nombre de
vaisseaux de l’Invincible Armada..
Les
parages de Glenlough où le canot du Lieutenant Boucard a fait terre.
Si la mer avait été mauvaise ce jour là, ils n’auraient eu guère de
chances d’en réchapper.
Conclusions de la commission d’enquête
et responsabilités
Ce rapport laisse les enquêteurs extrêmement perplexes car c’est de
toute évidence la première fois que l’on assiste à un tel
torpillage. Il semblerait qu’un navire ait servi de « rabatteur »,
envoyant le cargo vers un piège mortel…
Le capitaine Boivin
Le capitaine ayant disparu, il est difficile de comprendre pourquoi
il a obéi comme il l’a fait aux ordres d’un bateau suspect.
L’officier mécanicien Le Douarec déclare que le radiotélégraphiste a
été très affirmatif : le radio reçu vers 15h00 n’émanait sûrement
pas du navire suspect à cause de la distance à laquelle il se
trouvait. Il avait conçu des doutes sur la nationalité de ce vapeur.
Les signaux étaient vraiment bizarres, la manœuvre peu franche,
difficilement explicable. La plupart des hommes de la baleinière
avaient aussi des doutes.
Quoi qu’il en soit, comme il n’était pas prouvé que ce navire fut un
corsaire, le capitaine est en partie excusable de lui avoir obéi.
Mais il ne devait pas régner une discipline très stricte à bord du
MEUSE. Les survivants sont unanimes à déclarer qu’après
l’explosion de la première torpille, l’ordre donné par le capitaine
ne fut pas « Postes d’abandon », mais « Sauve qui peut » qui n’est
pas l’ordre donné régulièrement. (Cela explique un certain désordre
dans les canots).
Le lieutenant Boucard
Mr. Boucard s’est rendu nettement fautif en ne cherchant pas à
retrouver sur les lieux des survivants. Quand la bosse fut coupée,
tous les mouvements effectués ont tendu a écarter le canot du lieu
du sinistre. La faute est d’autant plus nette que manquaient trois
hommes de l’armement réglementaire, à savoir capitaine, chef
mécanicien et garçon. Le devoir de Mr Boucard eût été d’attendre
l’aube sur place pour rechercher des survivants s’il y en avait eu.
Mr Boucard a commis une autre faute au point de vue navigation. Il
s’est toujours tenu cap au nord de la route fréquentée par les
navires. Le courant portant au nord a accentué cette manœuvre au
point qu’il s’en est fallu de peu qu’il ne manque l’Irlande, ce qui
eût été la perte certaine de ses passagers. Il a l’excuse de vents
variables qui l’ont gêné, mais quand on lui demande « Quelle route
auriez-vous suivie s’il y avait eu des vents d’ouest ?", il répond
invariablement ENE, invoquant comme raison qu’il ne voulait pas
rencontrer un autre sous-marin. Il a totalement manqué de jugement
préférant naviguer dans une zone où il était sûr de ne rencontrer
aucun navire au risque, bien improbable, de voir une embarcation de
sauvetage chargée de naufragés être attaquée par un sous-marin.
En revanche, la conduite de Mr Boucard est digne d’éloge en tous
points à partir du moment où il a eu à lutter contre l’élément
marin, à maintenir le moral de son équipage, à organiser un
rationnement avec beaucoup de clairvoyance. En somme, se trouvant
dans un très mauvais cas, il s’en est tiré de façon heureuse.
Quoi qu’il en soit, la commission estime que Mr Boucard mérite un
blâme sévère pour n’avoir pas cherché par tous les moyens possibles
à secourir ses compagnons engloutis et pour n’avoir pas rallié la
route fréquentée.
Remarques du webmaster : Contrairement à ce que pensent avoir vu les
rescapés, il n'y a eu qu'un seul sous-marin engagé dans cette
action. Les jugements portés sur les hommes sont le reflet de
l'opinion de l'officier enquêteur.
Les heures précédant le
torpillage de Meuse
Nous savons à présent que dans les
heures précédant son torpillage, Meuse a connu un engagement
au canon avec un sous-marin en compagnie d’un autre vapeur, celui
justement qualifié de suspect dans le compte rendu d’enquête
ci-dessus.
La recherche dans les archives de
la guerre sous-marine a permis depuis d’identifier l’étrange navire.
Il s’agit en fait de l’anglais Carrigan Head, un bateau-piège
(Q-Ship en anglais). Avant de poursuivre, il faut préciser ce
qu’étaient ces Q-Ships. Face à la menace que représentait les
sous-marins allemands et compte tenu du fait que pour respecter les
règles d’arraisonnement des navires, les équipages d’U-Boot devaient
avant toute action s’assurer de la nationalité et du chargement du
navire intercepté, les Alliés avaient conçu cette arme qu’était le
bateau-piège. Le mode opératoire était le suivant : le bateau-piège
loin de fuir le contact avec les U-Boote, au contraire, le
recherchait. Une fois le vapeur sommé de s’arrêter pour contrôle par
le sous-marin, il suffisait de laisser celui-ci se rapprocher
suffisamment du navire pour une fois à courte distance, démasquer
brutalement sa véritable nature et ouvrir le feu à bout portant avec
les pièces d’artillerie masquées. Bien entendu, le procédé était
bien rôdé ; à bord du vapeur on simulait une évacuation désordonnée
pour rendre encore plus crédible le caractère de paisible marchand
tandis qu’une équipe de canonniers cachés à bord s’apprêtait à
démasquer ses canons pour ouvrir le feu dès que le sous-marin serait
parvenu à la meilleure distance de tir. Plus d’une fois le piège a
fonctionné et plusieurs U-Boot ont ainsi été coulés.
Malheureusement, cette nouvelle escalade dans la lutte allait
rapidement entraîner une autre escalade du côté de l’adversaire et
désormais, de plus en plus souvent, les sous-marins pour échapper à
ce risque torpillaient sans avertissement.
Pas étonnant donc vu la mission
très particulière du Carrigan Head qu’il se soit montré très
évasif, ne tenant pas à l’évidence à dévoiler sa véritable nature, a
fortiori à un navire (Meuse) dont il ignorait tout ou
presque.
En mettant en perspective les
documents actuellement à notre disposition, on peut reconstituer le
film des évènements comme suit :
Tout d’abord il y a cet appel au
secours émanant d’un vapeur non identifié et qui selon l’opérateur
radio de Meuse qui l’a reçu, doit se situer à plusieurs
dizaines de milles de là. C’est vraisemblable mais faute d’avoir un
nom, il n’est pas possible de recouper cette information. On ne peut
cependant pas affirmer qu’il ne provient pas du Carrigan
Head ; ce message de détresse étant dans ce cas destiné à
conforter le sous-marin dans son idée qu’il a affaire à un
inoffensif vapeur marchand. Mais commençons par le moment où le
Carrigan Head est repéré par le sous-marin. Le Commandant
Edeling écrit dans son journal d’opération (KTB) :
In 130° Dampfer in
Sicht mit ungefähr 270° Kurs
Getaucht,
Bugangriff angesetzt. Schwarzer Dampfer mit weißen Brückenaufbau und
roten Schornstein mit schwärrer Kappe, 2 Masten, ungefähr 6000 t.
Steuert Zickzackkurse…
Un vapeur est repéré dans
l’azimut 130 alors qu’il fait route à un cap moyen de 270°
en suivant une route en zigzag dans le
but de rendre plus difficile le tir d’une torpille. L’U 48 plonge et
fait route en direction de ce navire tout en l’observant au
périscope. Edeling remarque qu’il s’agit d’un vapeur d’environ 6000
tonnes à coque noire avec des superstructures blanches, deux mâts et
une cheminée rouge. Prudent, il examine attentivement ce navire,
cherchant à y déceler d’éventuels signes d’un bateau-piège. Après
les pertes subies dans ce genre d’attaque, les Allemands sont
méfiants.
Da keine Armierung
zu erkennen, außerdem Kurs des Dampfers auslaufend und Wetter für
Artilleriegefecht und Verfolgung günstig, aufgetaucht…
L’examen visuel est en apparence
concluant, ce vapeur n’a pas l’air d’être armé. Le temps est beau et
se prète à une attaque au canon. U 48 s’éloigne et fait surface à
une distance d’environ 8000 mètres. Les servants de l’artillerie se
rendent à leur poste de combat et un tir de semonce est effectué en
direction du vapeur.
Celui-ci ne répond pas.
Graduellement, U 48 se rapproche pour renouveler son tir de semonce
quand soudain alors que la distance est tombée à 7500 m., le vapeur
dévoile sa véritable nature et ouvre aussitôt un feu nourri sur le
sous-marin.
Dampfer eröffnet plötzlich Feuer aus 2 leichten und einen schweren
Geschütz / Anscheinend 2-7 cm und 1-10 oder 12 cm)…
Edeling constate d’après les gerbes
faites par les obus que le vapeur tire avec 2 pièces d’un calibre
d’environ 70mm et une plus grosse de 100 à 120mm. Aucun doute n’est
plus permis, avec un tel armement, il s’agit d’un bateau-piège. Le
Carrigan Head intensifie son feu et les salves suivantes se
font plus précises encadrant dangereusement le sous-marin. Le combat
est inégal, U 48 vire de bord rapidement et s’éloigne.
In der Nähe des
aufgegebenen Dampfers ein anderer einlaufender Dampfer in Sicht...
Dans les parages du Q-Ship, un
second vapeur est à présent en vue. Cette fois c’est de Meuse
dont il s’agit. Apparemment, remarque-t-il, ce vapeur est en
relation avec le premier et lui aussi tire. Les deux navires suivent
une route en zigzag vers l’ouest puis le second vire de bord vers le
Nord sans doute pour s’échapper à la faveur de la nuit tombante.
Celui-ci étant le premier à sa portée, Edeling le prend en chasse et
maintient le contact à distance…
Ich muß mich also mit den einen, der mir kaum noch entgehen kann,
begnügen…
La chasse est alors engagée et
comme nous l’avons vu précédemment, le destin de Meuse est
désormais scellé. U 48 va passer sur son avant à la faveur de
l’obscurité et se placer en bonne position pour lancer une torpille…
Faute d’avoir eu à ce stade accès
aux archives anglaises, il n’est pas possible de situer plus
précisément l’action du Carrigan Head mais la seule
connaissance des éléments disponibles côté français comme côté
allemand permet de reconstituer avec précision ce que furent les
dernière heures de Meuse.
Pour l'anecdote, il est
curieux de constater que le cap de Carrigan Head, nom porté par le
Q-Ship de cette affaire se situe à quelques milles de l’endroit où le canot des
rescapés a fait terre dans le Comté de Donegal
Le sous-marin U 48
Classe Mittel U – Sous-type U 43
Déplacement (tonnes
sf/sm) 725 / 940
Longueur 65m (ht) –
52m50 (ce)
Largeur 6m20 – 4m20
(ce)
Hauteur 8m70
Tirant d’eau 3m75
Profondeur certifiée
50 m. |
Propulsion :
2 Diesels 2400 CV
2 Electriques 1200 CV
Autonomie :
Surface 9400 nm à 8
nds
Plongée 55 nm à 5 nds
Vitesse max. (noeuds
sf/sm) 16.4 / 9.7 |
Armement
6 TLT - 4AV, 2AR (6
torpilles)
A l’origine 1 canon 88
mm armé à 276 coups puis par la suite 1 x 105mm et 1 x
88mm |
Equipage
4 off. 32 homme |
sf/sm = surface / plongée - ht=
hors tout - ce = coque épaisse
La fin de l’U 48
U 48 avait appareillé d’Emden le 22
Novembre 1917 pour une patrouille au large de l’entrée occidentale
de la Manche. Quand il pénétra dans le Pas de Calais, le
Kapitänleutnant Edeling décida d’attendre que la lune soit couchée
pour traverser le barrage de mines Douvres-Dunkerque en surface.
Pendant cette attente, le fort courant de marée dépala le sous-marin
en direction de l’ouest du banc de Goodwin Sands et à 4 h 30 du
matin, à marée haute, U 48 s’échouait à environ 2 milles dans l’ENE
du bateau-feu de Gull. A l’aube, il était repéré par une patrouille
britannique.
Plusieurs chalutiers armés conduits
par le destroyer HMS Gypsy ouvraient alors un feu nourri sur
lui auquel le sous-marin ripostait mais sa résistance était vaine.
Le Commandant Edeling ordonna alors de saborder le bateau en faisant
détoner des explosifs dans le compartiment torpilles avant et
arrière après évacuation de son équipage. Le feu anglais se
poursuivit pendant cette évacuation, tuant Edeling et 18 de ses
hommes.
Rapport de l’Oberleutnant zur See
Erhard-Friedrich Maertens, Officier en Second de l’U 48
Nous nous sommes échoués à marée
haute sur Goodwind Sands et peu après, la mer commença à descendre.
Nous avons essayé d’alléger le bateau en jetant les munitions à la
mer et en chassant aux ballasts mais cette tentative échoua.
A l’aube, nous apercevions
plusieurs chalutiers armés accompagnés par un destroyer d’un modèle
ancien. U 48 ouvrait le feu avec la canon avant de 105mm tandis que
l’on se préparait à saborder le sous-marin. Malgré la faible
distance et la stabilité du sous-marin échoué, notre tir n’était pas
précis et nous recevions alors plusieurs coups au but. Le canon se
trouva détruit, le commandant et le chef de pièce tués, les servants
gravement blessés.
J’avais pour mission de préparer
les charges de sabordage. Je fis relier ensemble la tête de 4
torpilles à l’avant, de 3 autres à l’arrière et placer des explosifs
dans le poste central. Après que le canon avant ait été touché,
l’équipage commença à se jeter à l’eau et j’amorçai les charges
explosives. Quand l’équipage a commencé à évacuer, les Anglais ont
cessé le feu un moment puis l’ont repris avec des mitrailleuses et
des fusils contre les hommes à la mer. C’est à ce moment là qu’il y
a eu le plus de victimes. Quand le feu a cessé nous avons été faits
prisonniers, nous n’étions plus que 17.
Kapitänleutnant Karl Edeling
(voir sa fiche)
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