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   Il est 22 heures le 17 Novembre 
lorsque le Hilda appareille de Southampton pour Saint Malo avec 103 passagers à 
son bord. Le temps brumeux au départ se transforme bientôt en un brouillard 
épais qui oblige le Capitaine William Gregory à passer la nuit au mouillage à la 
hauteur de Yarmouth, Ile de Wight. A 6 heures du matin, la visibilité étant 
redevenue meilleure, le vapeur peut reprendre sa route. 
 
   La traversée de la Manche est 
effectuée sans incidents mais le temps se dégrade rapidement à partir d'Aurigny. 
Le Hilda rencontre alors une mer qui va 
grossir au fil des heures sous l'effet d'un vent d'est glacial qui va se 
renforçant. Le ciel menaçant se charge de lourds nuages et bientôt ce sont des 
averses de neige fondante qui réduisent la visibilité. 
    Vers 18 heures, lorsque le 
Hilda se présente enfin au large de Saint Malo, un grain de neige masque le feu du 
phare du Jardin. Privé de repère d'alignement pour s'engager dans les passes, le Capitaine Gregory doit 
renoncer une première fois et remettre cap au large en attendant l'embellie. 
      
       
		 
         Ce qui va se passer à bord entre cette heure
      et l'heure du drame n'est pas parfaitement connu ; tout ce que l'on sait
      c'est qu'à plusieurs reprises, Gregory effectue une tentative d'entrée
      dans les passes mais doit renoncer faute de visibilité. Finalement peu
      avant 23 heures selon le témoignage des rescapés, le feu du phare aurait
      été aperçu et le navire s'est engagé dans la passe. Quelques instants
      après, le navire se jetait sur un groupe de récifs situés à quelques
      centaines de mètres sur tribord de l'axe de la passe. Erreur de
      navigation ? Erreur de position ? Difficile à dire. En tout cas, une
      certaine pression s'exerçait sur le Capitaine en raison du retard pris
      sur l'horaire, de la probabilité de ne pas pouvoir entrer au bassin le
      soir même en raison de la marée descendante et enfin de la situation de
      ses passagers malmenés par la mer et dont beaucoup étaient malades.
      A-t-il pour toutes ces raisons pris un risque inconsidéré ? Il ne pourra
      jamais s'en expliquer.
      
       
		   Quoi qu'il en soit, le Hilda vient donc se
      fracasser sur la roche la plus orientale du groupe et la coque se trouve
      en porte à faux sur le récif avec une marée descendante, ce qui ne peut
      qu'aggraver la situation du navire. On tente de mettre les canots de
      sauvetage à la mer mais dans le gros temps, l'évacuation tourne
      rapidement à la catastrophe. Un seul canot parviendra à déborder. Ses
      restes ainsi qu'une soixantaine de cadavres seront découverts à l'aube
      sur la plage de Saint Cast.
      
       
		   En une dizaine de minutes, le sort du Hilda
      est scellé ; le navire se brise en deux, la partie avant basculant d'un côté
      du récif, la partie arrière s'enfonçant sur la face ouest de la roche.
      La profondeur relativement faible fait que l'épave ne sera pas totalement
      submergée, ce qui permet à une vingtaine de rescapés de se réfugier
      dans le mât arrière. C'est là que le lendemain matin, le vapeur Ada de
      la même compagnie va les retrouver. Ils ne sont plus que six !
      Parmi eux, un seul membre d'équipage, le
      matelot James Grinter qui n'était pas de quart au moment de l'accident.
       
      
       
   Le bilan est très lourd. Cent vingt cinq
victimes sur les 131 personnes qui se trouvaient à bord. 
 
   Outre les cadavres rejetés à Saint Cast, les
marées des jours suivants apporteront sur les plages de la région de nouveaux
corps, le dernier étant retrouvé en Janvier.
 
       Cette catastrophe provoquera une 
		vive émotion dans tout le pays car la plupart des victimes sont des Johnnies, ces
marchands d'oignons de Roscoff et de sa région qui rentraient d'une saison de
vente de leur récolte en Grande Bretagne. Dans beaucoup de familles on déplore 
la perte d'un
père, d'un fils, voire de plusieurs à la fois et ainsi le gagne-pain. Un
photographe de Saint Malo fera toute une série de photos de l'épave, du navire
et de son Capitaine. Ces vues seront commercialisées sous forme de cartes
postales et la recette de leur vente sera reversée aux familles des disparus.
C'est ainsi que de nos jours, on retrouve encore bon nombre d'entre elles dans
les collections des bouquinistes.
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