Cette page est particulièrement dédiée à la mémoire du Quartier-Maître Timonier Joseph DESPRES,
mon lointain cousin désormais en patrouille éternelle à bord du Vendémiaire
CARACTERISTIQUES PRINCIPALES
Sous-marin de défense côtière du type PLUVIOSE
Longueur 51 m 20
- Largeur 5 m
Vitesse
en surface 12 noeuds, en plongée 7.5 noeuds
Déplacement en surface 398 t., en plongée
550 t.
Autonomie 2000 NM en surface
7 torpilles de 457 mm
Equipage : 2
officiers, 22 hommes
LE NAUFRAGE
8 juin 1912, à l'aube...
L'Escadre du Nord composée de six cuirassés et trois croiseurs, placée sous
le commandement du Saint Louis
avait appareillé de Brest la veille en fin d'après-midi pour faire mouvement
vers Cherbourg. Il avait été alors décidé de mettre à profit ce mouvement
d'escadre pour déclencher un exercice d'interception par les sous-marins de
Cherbourg qui avaient appareillé vers quatre heures du matin pour se
positionner dans le Raz Blanchart jusqu'au cap de la Hague. Le Lieutenant de
Vaisseau Prioul, Commandant du
Vendémiaire, avait reçu pour
mission de tenir le secteur compris entre Aurigny et La Hague avec pour
consigne expresse de ne pas le quitter avant la fin de l'exercice.
A cinq heures du
matin, précédée d'un nuage de fumée qui n'avait pas échappé aux veilleurs du
petit sous-marin, l'escadre doublait la pointe nord est d'Aurigny.
"Immersion
périscopique ! Aux postes de combat !"
L'intérieur du fuseau
d'acier constitué par la coque épaisse s'anima subitement puis redevint
calme. Chaque homme de l'équipage était concentré à son poste de combat,
faisant corps avec son navire et espérant bien faire honneur à son chef en
plaçant une torpille factice dans le flanc de l'un de ces cuirassés dont
Prioul pouvait à présent distinguer nettement la moustache d'écume qui
ornait l'étrave du premier de la file.
Sur les passerelles
des navires de surface, la veille avait été renforcée avec l'aube et des
dizaines d'yeux scrutaient le miroir translucide de la mer pour tenter d'y
découvrir le mince sillage d'un périscope.
Six heures.
A
bord du Vendémiaire
qui poursuivait en plongée sa progression en donnant régulièrement un bref
coup de périscope, Prioul s'était rapproché du
Saint Louis
et préparait soigneusement son attaque. Un coup au but sur le navire-amiral
lui vaudrait à n'en pas douter les honneurs de l'exercice. Penché sur la
table de navigation, l'Enseigne Audic, Second du bâtiment traçait la route
d'interception et donnait au quartier-maître Després un nouveau cap pour
placer le navire en position de tir. Le puissant halètement des machines à
vapeur de l'escadre de cuirassés emplissait de son souffle le sous-marin
tout entier.
Prioul attendit encore quelques minutes avant de sortir une dernière fois
son périscope. Selon ses calculs, le
Saint Louis
devait maintenant présenter largement ses flancs à la torpille du
Vendémiaire.
Vérification !
Sa stupeur dut
être grande lorsqu'il constata que le cuirassé lui présentait non pas le flanc
mais son étrave effilée dont l'éperon s'ornait d'un somptueux panache
d'écume.
- Plongée 20
mètres ! Vite !
- Périscope
droit devant !
Instantanément, un cri jaillit de la bouche des veilleurs du cuirassé,
horrifiés par l'imminence de la catastrophe.
- A gauche
toute ! hurla l'officier de quart.
Mais il était déjà trop tard et avant que le
Saint Louis
n'ait eu le temps d'évoluer, c'était le drame. On ressentit une légère
secousse, comme si l'on poussait quelque chose de résistant. Sous l'étrave,
le kiosque apparut un instant puis s'enfonça aussitôt dans un grand
bouillonnement. C'était l'air qui s'échappait du trou béant provoqué par
l'éperon dans la coque du sous-marin.
En quelques secondes, le drame était consommé et avant que le
Saint Louis ait seulement pu
s'arrêter, le Vendémiaire
avait coulé par plus de 60 mètres de fond avec ses vingt quatre hommes.
Cette
profondeur était à l'époque inaccessible aux scaphandriers surtout en ces
eaux du Raz Blanchart soumises à de très forts courants de marée. Il ne fut
fait aucune tentative de renflouage de l'épave dans les flancs de laquelle
vingt quatre marins unis dorment de leur dernier sommeil.
(Extrait de
"1850-1950, Cent ans d'histoires de mer dans la Manche"
© Yves DUFEIL, 1975)
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