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5 -  1939 - 1941  Sous le pavillon de la Kriegsmarine

   A la fin de 1938 s'achevait le séjour de Lothar en Turquie. Il regagnait alors une Allemagne quittée six ans plus tôt où règnaient déjà de fortes tensions politiques et militaires qui allaient conduire au déclenchement du deuxième conflit mondial. Sans aucun doute, il y aurait poursuivi une retraite paisible sans les évènements de septembre 1939. Lothar ne faisait pas de politique et avait suivi de loin la montée du nazisme sans y souscrire pour autant.

   Dès la fin août, von Arnauld qui vient d'être nommé vice-amiral de réserve le 19 est appelé à reprendre du service et mis à disposition de la Kriegsmarine qui, à compter du 10 septembre lui confie le poste de délégué plénipotentiaire pour le secteur du couloir polonais, de Dantzig et sa région maritime. Dans ce poste qu'il occupera jusqu'au 14 mars 1940, il reste assez éloigné du conflit naissant.

Dantzig où le 13 Septembre 1939 Adolf Hitler fait un discours devant un parterre d'officiers allemands après l’occupation du territoire

   En mai 1940, c'est l'offensive allemande à l'ouest que tout le monde connait. Cette fois pour von Arnauld, c'est le signe d'un retour vers un poste nettement plus opérationnel puisqu'il reçoit le commandement des forces navales pour la région Belgique et Pays-Bas. Les évènements se précipitant avec la chute de la France le mois suivant, il faut revoir l'organisation du Commandement Naval et mettre une hiérarchie en place dans le secteur Bretagne. C'est alors que tout naturellement vient à l'esprit de l'Amiral Raeder le nom de von Arnauld dont on sait que le personnage déjà bien connu est à la fois francophone et francophile. Voila donc l'homme de la situation pour le poste d'Amiral-Bretagne qui lui est confié le 22 juin. Sa première mission va consister en la remise en état des installations portuaires de Brest qui ont énormément souffert. Or, le hasard fait que son interlocuteur français, le Capitaine de Vaisseau Le Normand, Directeur de l'Arsenal, est comme lui un ancien sous-marinier de la guerre précédente qui appartenait à la flottille de Brindisi quand le Faraday avait manqué de peu d'envoyer l'U-35 par le fond !

   Alors von Arnauld va prendre une décision étonnante : non seulement il offre à son ancien et valeureux adversaire de rester à la tête de l'arsenal, mais de plus il l'autorise à choisir ses adjoints ! Embarrassé, Le Normand reste perplexe et demande un moment de réflexion qu'il met à profit pour contacter l'Amiral Darlan, ministre du gouvernement Pétain. Ce dernier l'encourage vivement à accepter la proposition afin dit-il de protéger le plus longtemps possible les intérêts français. C'est ce qui sera fait et la cohabitation des deux hommes se fera du mieux possible dans ce contexte à la fois particulier et délicat, facilitant ainsi indirectement l'ancrage d'un réseau d'information dont les Alliés vont par la suite bénéficier.

       Brest 1940 - von Arnauld au centre en compagnie de l'Amiral Raeder et d'officiers des deux Etat-Majors

 

   Peu à peu, l'occupation du territoire se met en place et à Brest, grâce à la diplomatie de von Arnauld, il n'y a pas trop de tensions même si chacun reste malgré tout sur ses gardes. L'organisation de la Kriegsmarine sur les côtes françaises se structurant peu à peu, l'Amiral Arnauld est alors appelé à prendre plus de hauteur et reçoit le 4 décembre 1940 le titre d'Amiral West Frankreich avec la responsabilité d'un secteur qui couvre à présent toute la façade maritime ouest de la France, de Brest jusqu'à Biarritz. En cette circonstance, Lothar quitte Brest pour installer son Etat-Major au Golf Hotel de Royan.

   Profitant des quelques loisirs que peuvent lui laisser sa charge, il va effectuer plusieurs déplacements à l'intérieur du pays, à la recherche de l'histoire de ses ancêtres français. C'est ainsi qu'il fera la connaissance d'un "cousin", le colonel français Arnauld dont la parenté se limite surtout au nom. On imagine aisément combien cette visite privée du Vice Amiral au domicile d'un officier français retraité, même si elle fut très courtoise, put être délicate pour ce dernier !

   La structure navale étant à présent bien en place sur le front ouest, Raeder faisait appel une nouvelle fois à von Arnauld à la mi-février 1941 pour occuper le poste d'Amiral-Sud avec cette fois la charge de la Méditerranée. Entre temps, Lothar avait quitté son statut de réserviste pour être réadmis au service actif (réactivé) avec la grade de Vice-Amiral à compter du 1er février. Sans aucun doute, une seconde et brillante carrière allait s'ouvrir devant ce personnage charismatique mais c'était sans compter avec les voies de la destinée...

L'Amiral West Frankreich et son Etat Major.

Départ de Royan.

   L'Amiral von Arnauld quittait donc en février son affectation sans doute quelques jours avant le 24. Il gagnait alors Bordeaux et de là, prenait place à bord de cet appareil Bf-108 (DC+NJ) qui allait le conduire dans un premier temps à Paris. Les recherches que j'ai pu effectuer dans les archives de la Luftwaffe n'ont pas permis de préciser le jour mais il ne fait à présent plus de doute que les photos ci-dessous sont sans doute les dernières que nous ayions de lui.

L'embarquement à bord du Bf-108

Mise en route. La dernière photo connue de l'Amiral.

   Le lundi 24 février, Lothar prenait place à bord d'un Junkers W34 (RB+AQ), un monomoteur de liaison de la Luftwaffe et décollait du Bourget à destination de Berlin pour rejoindre ensuite sa nouvelle affectation. Selon le peu d'informations disponibles sur le sujet, par suite d'une erreur de pilotage l'appareil s'écrasait en phase de décollage et prenait feu aussitôt. Von Arnauld était tué tandis que les 3 membres d'équipage étaient gravement brûlés. Mon enquête sur ce point étant toujours en cours, des éléments nouveaux pourraient apparaître encore en particulier en ce qui concerne la date du vol Bordeaux-Paris qui a précédé celui-là.

Junkers W34

 

Trouvé au bas d'une photo datée de Royan le 22.2.1941 cette dédicace de l'Amiral offerte à l'un de ses collabarateurs. Il était donc toujours à Royan le samedi 22 ! Il est donc possible qu'il ait quitté Bordeaux le lundi matin (photos ci-dessus) et changé d'avion le jour même au Bourget. Dans ce cas, ces photos sont prises quelques heures avant l'accident fatal. A ma connaissance ceci est sa dernière annotation manuscrite.

 

   L'as mondial des sous-mariniers trouvait ainsi la mort dans cet accident aérien, justement sur cette terre de France qu'il aimait ! Une cérémonie funèbre était organisée en la Cathédrale de la Madeleine à Paris en présence de tout le haut commandement allemand puis le cercueil était transféré à la Gare de l'Est d'où il était acheminé jusqu'à Berlin pour être inhumé à l'Invalidenfriedhof aux côtés d'autres grands hommes de la nation allemande.

   Le site ayant été miraculeusement épargné dans les combats de 1945, sa sépulture y existe toujours. Si un jour vous passez par là, ne manquez pas d'aller rendre visite à cet homme au destin hors du commun qui, je le redis encore, s'il se trouva parfois être l'adversaire de la France, n'en fut jamais l'ennemi. Sans aucun doute, s'il existe un Walhalla où selon la tradition germanique, les guerriers trouvent le repos, l'Amiral Arnauld de la Périère y occupe une place de choix.

La dernière demeure

 Lors des funérailles en la cathédrale de la Madeleine, on interpréta la Marche Funèbre de la 3e de Beethoven, un compositeur que von Arnauld aimait tout particulièrement. (Ecouter)

 

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