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				Dans l'après-midi du 
				jeudi 3 Mai 1855, le trois-mâts barque anglais de 465 tonneaux
				John, Capt. E. Rawle, 
      appareillait du Sound de Plymouth  à destination de Québec avec 282 
      personnes à bord, pour la grande majorité des émigrants originaires de 
      Cornouailles ou du Devon. Dix neuf hommes composaient l'équipage du 
      voilier. Parmi les passagers au nombre de 263, il y avait 98 enfants et 16 
      bébés. 
				   Vers 21h30, le Second étant de 
      quart par temps brumeux, l'équipage était en 
      vue du feu de St. Anthony à la pointe de Falmouth mais ne parvenait pas à 
      apercevoir celui du Cap Lizard qui aurait pourtant du être visible peu 
      après.  Au Capitaine qui 
      venait de monter sur la dunette, il fit remarquer que le navire se 
      trouvait à son avis trop près de la côte dans la Baie de Falmouth et que 
      c'était la raison pour laquelle on ne voyait pas le feu de Lizard mais 
      Rawle ne jugea pas utile de modifier le cap et le navire poursuivit sa 
      route à 9 noeuds toutes voiles dessus. Trente minutes plus tard, le John heurtait les récifs de Manacle Rocks après que l'homme de veille 
      aux bossoirs ait annoncé des bateaux de pêche droit devant. En fait, ce 
      qu'il avait pris pour des pêcheurs était le sommet des redoutables Manacles. A 
      pleine vitesse, le trois-mâts franchit les récifs extérieurs et fut couché 
      par la mer vers ceux de l'intérieur. Une tentative fut faite pour le 
      redresser en mouillant une ancre mais il se mit à rouler, le flanc contre 
      les rochers. Le désordre à bord était si grand que la première embarcation 
      fut mise à l'eau sans nable ni tolets. Malgré cela, les 4 marins qui 
      étaient à son bord parvenaient à gagner le rivage et à alerter les 
      garde-côtes mais refusaient de retourner jusqu'à leur navire tandis que le 
      danger présenté par la côte obligeait à attendre le lever du jour pour 
      déclencher les secours. 
				   Dans le même temps, l'équipage du 
				John 
      s'ennivrait et ne faisait aucun effort pour venir en aide aux malheureux 
      émigrants alors qu'il y avait encore trois embarcations à bord. Quelques 
      passagers essayèrent de mettre à l'eau une embarcation mais elle fut 
      enfoncée et coula. L'échouage s'était produit aux deux tiers de la marée 
      descendante et bien que les cales soient noyées, le pont restait à sec 
      mais Rawle ignorant jusqu'à la marée refusa que l'on mette à l'eau les 
      deux derniers canots. Son erreur fut évidente quand la mer montante 
      commença à briser sur l'épave. Ces canots furent mis en pièces par les 
      vagues, balayant par dessus bord les espoirs des malheureux émigrants. A 
      l'aube, les embarcations de secours approchèrent enfin mais elles furent 
      prises d'assaut par l'équipage qui n'hésita pas à laisser se débrouiller 
      par eux-mêmes les passagers terrifiés. Tous ces hommes, marins indignes, furent sauvés mais 
      196 passagers, hommes, femmes et enfants périrent noyés. 
				   Si parfois la mer est le théatre d'actes de 
      courage et d'abnégation, elle est aussi capable de susciter les plus viles 
      attitudes en particulier lorsque ceux qui ont la responsabilité de navire 
      et d'hommes ne sont pas à la hauteur de leur tâche. Le Capitaine fut 
      			suspendu et condamné à la suite de l'enquête du Board of Trade, ayant été reconnu 
      coupable "d'ignorance et de grande négligence" mais acquitté du chef 
      d'accusation d'homicide. |